Résumé : Samir se confie à Mordjana et lui parle de sa famille. La maison appartenait à son grand-père paternel, boulanger de son état. Ce dernier ne pouvait compter sur son ivrogne de fils pour les élever, et s'était chargé de leur éducation. À sa mort, il leur avait légué la maison et partagé le reste de ses biens entre ses autres enfants. Mordjana s'exclame : -Ça alors ! Je pensais que vous étiez une famille qui avait juste de quoi subvenir à ses besoins. -Nous ne sommes ni riches ni pauvres... Mais si nous possédions cette maison, nous n'avions parfois même pas de quoi dîner le soir. Ma mère avait eu recours à maintes reprises aux emprunts, puis avait hypothéqué des bijoux de famille pour nous entretenir et nous permettre de faire des études. Mon père Aïssa était absent la plupart du temps de la maison. Il disait se rendre dans le sud du pays pour des transactions commerciales... On sait que parfois il faisait de grandes affaires... Hélas, ses rendements étaient souvent dépensés dans les bars et les endroits mal famés... Il était allé jusqu'à épouser en secondes noces une jeune prostituée... Lorsque mes oncles l'ont appris, ils l'ont menacé de le renier et de lui interdire jusqu'à l'accès dans cette maison... Alors, il s'était rétracté, et avait fini par divorcer de cette fille, mais non sans lui avoir laissé une grande partie de son capital...Ensuite, il s'est remis à boire, et à rentrer de plus en plus tard... Il s'en prenait souvent à ma mère qu'il tabassait sans vergogne devant nous... Nous étions traumatisés et très malheureux. Malika avait abandonné ses études pour faire une formation et décrocher un job... C'était le seul moyen pour nous de nous en sortir... Ma mère craignait de nous voir suivre la voie du paternel et nous exhortait à étudier sans relâche... Il pousse un long soupir : -Tu vois que ma vie non plus n'a pas été facile, Mordjana... Il se rappelle soudain que sa jeune femme devait se rendre dans la salle de bains, et qu'il était là, dans cette grande cour, à lui raconter sa vie : -Oh ! Désolé Mordjana... je devais te montrer la salle de bains, et ne voilà-t-il pas que je me suis laissé emporter par un sujet qui aurait pu attendre... Elle secoue sa tête : -Tu n'as pas à te reprocher quoi que ce soit... Le sujet m'intéressait moi aussi... Je voulais connaître ta vie, ta famille, tes souvenirs... Ne suis-je pas ta femme légitime ? Il sourit : -Bien sûr... Nous aurons le temps de nous raconter nos petits secrets plus tard... Allez, dépêche-toi de faire ta toilette pendant que je vais réchauffer le café. Mordjana s'enferme dans la salle de bains. Elle jette tout d'abord un coup d'œil à son reflet dans le miroir, et constate que les cernes sous ses yeux avaient disparu. Le sommeil lui a fait du bien... Elle se sentait en meilleure forme et arborait une meilleure mine. Elle soupire d'aise cette fois-ci. Samir était non seulement beau, mais aussi bien gentil. Elle se promet de tout tenter pour le rendre heureux. Tout à coup, elle repense à leur nuit... Samir ne voulait pas consommer ce mariage. Pourquoi ? Elle porte la main à sa joue. Sa tache le répugnait peut-être ? Il n'avait rien voulu montrer pour ne pas froisser sa susceptibilité, mais il lui avait parlé d'un chirurgien esthétique... Il voulait qu'elle retrouve un aspect normal avant de faire d'elle sa femme. Mordjana passe un peu d'eau sur son visage. Elle ne va pas encore se faire des idées... Elle se sentait heureuse, et ce bonheur lui semblait si fragile qu'elle n'aimerait pas le ternir. Elle passe ses doigts dans ses longs cheveux. Samir les avait caressés d'une main experte. Il n'était pas insensible à son charme mais ne voulait pas non plus la brusquer. Elle termina sa toilette et revint dans la chambre pour se changer. La veille, elle s'était endormie dans sa robe de voyage. Par pudeur, elle n'avait pas voulu mettre une chemise de nuit. Mais ce matin, elle devrait porter une de ces tenues que sa belle-famille lui avait offertes. Elle ouvrit sa valise et prend une longue saharienne de couleur moutarde. Avec des bijoux berbères, et un peu de maquillage, elle sera présentable. Comment va-t-elle donc se coiffer ? Elle opte pour une longue tresse sur le côté, et retint la mèche par une petite barrette perlée. Lorsque Samir revint avec la cafetière fumante, il retint son souffle : -Mordjana ! Tu es métamorphosée ! -Mais non... je me suis juste changée. Hier...je... j'ai dormi avec ma tenue de voyage... Il dépose la cafetière et l'invite d'une main à s'asseoir devant la table basse : -Viens... Mets-toi à l'aise, et sers le café... Elle s'exécute et retrouve ses réflexes. Elle sert le café, et étale du beurre et de la confiture sur des croissants chauds. Samir ne la quittait pas des yeux... Il lui prend les bras et l'attire à lui : -Tu es merveilleuse, Mordjana... Elle sourit : -Ton café va refroidir Samir... Il repousse sa tasse : -Je n'ai plus envie de prendre ce café... (À suivre) Y. H.