Pour eux, le principe de flexibilité consacré dans ce projet fait peser une menace sur la sécurité et la pérennité de l'emploi. Annoncé par la tripartite puis par le ministre du Travail pour sa promulgation en 2015, le nouveau code du travail algérien, dont la première mouture a été largement soutenue par le patronat, mais vivement critiquée par la base syndicale et de nombreux syndicats autonomes, tarde à voir le jour. L'avant-projet, qualifié par les syndicats autonomes et la base syndicale de l'UGTA, de "code contre les travailleurs" en raison de son contenu jugé "régressif et répressif" à la fois a été curieusement "oublié" par le dernier congrès de l'UGTA mais aussi par certains syndicats autonomes dont les mouvements de protestation qu'ils ont menés, ces derniers temps, se sont limités aux seules revendications salariales. Seul le FCE continue d'évoquer dans ses multiples sorties cet avant-projet, obligeant même le ministre du Travail et de la Sécurité sociale à créer une commission mixte entre son département et le Forum des chefs d'entreprise pour "l'élaboration du futur code du travail qui doit être adapté aux évolutions du marché du travail et à l'émergence de nouvelles technologies" comme l'a expliqué le président du FCE, M. Haddad. En clair, les patrons revendiquent plus de flexibilité alors que les syndicats demandent plus de sécurité de l'emploi. Entre les deux, le gouvernement, par le biais du ministre du Travail, tente de rassurer que "les acquis ne seront pas touchés". Des propos qui ne tranquillisent pas pour autant les syndicalistes de la base qui brandissent les chiffres de cette "flexibilité" déjà en cours depuis des années et qui n'a rien changé à la compétitivité des entreprises. En effet, selon les statistiques de l'ONS, plus de 30% seulement de salariés occupent des postes permanents dont plus de 20% concernent la Fonction publique. Un argument de taille que les syndicats tentent de mettre en avant pour battre en brèche "les requêtes" du patronat tout en exigeant plutôt "la sécurité de l'emploi" déjà malmenée, notamment dans le secteur économique où le degré de précarité a atteint un seuil intolérable, selon de nombreux syndicalistes. Bien qu'il existe une disposition (article 12) dans la loi 90-11 qui limite, comme en France ou au Maroc, les CDD (contrat de travail à durée déterminée) à certaines tâches de travail à caractère temporaire, la plupart des entreprises continuent à recourir à ce type de contrat sans se soucier de la loi. "Que dire alors, si le nouveau code du travail supprime cette barrière ?" s'interroge M. Messaoudi. Pourtant, c'est ce que l'avant-projet, dont nous détenons une copie, prévoit dans ses dispositions d'où l'inquiétude des travailleurs et de leurs représentants. "Jamais et dans aucun pays au monde, une réforme de la législation du travail n'a introduit autant de remises en cause simultanées comme le fait cet avant-projet", explique, pour sa part, Nouredine Bouderba, spécialiste des relations de travail et ancien cadre de la FNTPG-UGTA. Les syndicalistes de la zone industrielle de Rouiba, dans un communiqué diffusé, au lendemain de la sortie du nouveau projet, avaient qualifié le document de "guide de l'employeur" en raison, disaient-ils, "des atteintes graves qu'il porte aux droits fondamentaux des travailleurs et au droit syndical". En plus des restrictions sur le droit de grève, sur la précarité de l'emploi, sur la compression d'effectifs, ces mêmes syndicalistes s'insurgeaient sur "les pouvoirs exagérés et presque sans limites donnés à l'employeur, notamment dans le domaine de la discipline, le recrutement où le CDD est érigé comme une règle au nom de la flexibilité". Pourtant cette "flexibilité" tant galvaudée par les patrons d'entreprise est déjà encadrée par le décret 94-09 du 26 mai 1994 qui permet aux entreprises, traversant des difficultés économiques, à recourir à un plan social comme cela se fait dans les pays voisins et européens. "Si jamais cet avant-projet de code du travail est promulgué, on va passer du droit du travail protecteur des salariés au droit du travail protecteur du capital où le travailleur sera considéré comme une simple marchandise", prévient M. Bouderba. M. T.