«Le wahhabisme est bénéfique pour le peuple au sein duquel il est né et non dans notre sphère». Cette phrase du ministre des Affaires religieuses et des wakfs, Mohamed Aissa, prononcé le 16 juin dernier sur les ondes de la Chaîne III, éclaire une donnée obscurcie avec le temps, et qu'il est nécessaire de rappeler. La terre algérienne et son histoire ne peuvent être compatible avec les discours haineux des chouyoukhs saoudiens. L'Islam, le vrai, n'a rien à voir avec celui que veulent représenter Daech, et leurs coreligionnaires salafistes et takfiristes. La rencontre organisée, le 10 juin dernier, à la bibliothèque nationale d'El-Hamma (Alger) est venue le rappeler, et le confirmer. L'hommage rendu, ce jour là, à l'une des plus grandes figures du soufisme universel, Ibn Arabi,(1165-1240) était une opportunité pour mettre en valeur l'apport du Doctor Maximus (El Cheikh Al Akbar) à l'humanité . Cet homme, dont les oeuvres sont reconnues, et étudiées, dans le monde entier, est "revenu", le temps d'une journée, à Alger. L'occasion de réconcilier l'Islam avec cette terre que le Doctor Maximus connaissait bien. L'occasion également d'essayer de rappeler que les références se trouvent autour de nous. Pas besoin de pointer son regard vers l''Arabie Saoudite et les autres pays du Golfe. C'est qu'"en ces temps troubles et instables que traverse notre humanité" (dixit Zaïm Khenchelaoui, voir vidéo en dessous), Ibn Arabi fait figure d'avant-gardiste. Dix siècles avant la création du royaume saoudien l'enfant de Murcie (en Andalousie) propageait déjà ses visions (au propre comme au figuré) là où il passait. Ses oeuvres sont, à ce jour, étudiées, et décortiquées, dans les plus grandes universités du monde. Khenchelaoui Ibn Arabi "en ces temps troubles et instables." (Réalisation: Salim KOUDIL La présence de plusieurs chercheurs, algériens et étrangers, à la rencontre d'El-Hamma, a permis de plonger profondément dans le monde mystique du Doctor Maximus. Il était question de plusieurs facettes de ce personnage atypique. Sa position par rapport à la philosophie, sa perception avant-gardiste de la Femme, sa vision de la sainteté, son travail en théologie,et bien d'autres thèmes, ont été abordés. Ce qui suit permet de donner plus de visibilité, en écrits et en vidéos, au contenu de la rencontre et surtout aux messages de Ibn Arabi. Ibn Arabi, notre cousin Si Saint Augustin est algérien, si Apulée est algérien, il faut également ajouter à la famille "algéro-universelle" le nom d'Ibn Arabi. L'andalou de naissance a effectivement des liens de sang avec l'Algérie. Sa mère était originaire de Tlemcen, alors que sa femme était de Béjaia. Mohamed Atbi, responsable des collections à la librairie de philosophie et de soufisme, a abordé cet angle lors de son intervention à l'ouverture de la rencontre (voir extrait vidéo en dessous). Dans son intervention, il a également cité l'oncle maternel de Ibn Arabi. Ce dernier, après avoir régné en tant qu'émir de Tlemcen, avait décidé de se retirer pour une longue période de méditation. Une manière de rappeler que le parcours de Ibn Arabi avait des "références" familiales. Son enfance et son entourage familial a été prépondérant dans sa quête mystique. Mohamed Atbi: Ibn Arabi et sa relation avec l'Algérie (extrait)/Réalisation: Salim KOUDIL
Zaïm Khenchelaoui, anthropologue des religions, est allé dans le même sens. il est revenu, entre autres, sur les deux séjours de Ibn Arabi en Algérie (voir vidéo en dessous). Zaïm Khenchelaoui:: les deux séjours en Algérie de Ibn Arabi/Réalisation: Salim KOUDIL
La relation du maître soufi avec l'Algérie n'est pas uniquement de filiation familiale, ou encore en rapport avec des voyages. Il y a aussi l'Emir Abdelkader et son exil syrien. La facette mystique, bien méconnue, ou négligiée, en Algérie, de l'enfant de Mascara, est pourtant d'une dimension universelle. Elle lui est surtout reconnue grâce à son livre Kitab al Mawaqif (Livre des Haltes), considéré comme le résultat de l'enseignement "pris" par l'Emir Abdelkader, de son maître, mort six siècles auparavant, et qui n'est autre que Ibn Arabi. La relation entre les deux mystiques s'était "matérialisée" lors de l'exil de l'algérien vers Damas. L'Emir avait, en effet, demandé à s'installer dans la maison de Ibn Arabi. Il avait également exigé d'être enterré à côté de la tombe de son maitre. Chose faite, puisque les deux tombes étaient côte à côte durant plus de 80 ans avant que la dépouille de l'Emir Abdelkader ne soit ramenée en terre algérienne en juillet 1966.
Ibn Rochd, la philosophie et le soufisme Le parcours de Ibn Arabi est rempli de rencontres. Celle avec Ibn Rochd a fait couler, dans le "monde" ésotérique, beaucoup d'encre et d'ailleurs le débat entre soufisme et philosophie est encore d'actualité. Le 10 juin dernier, le professeur syrien, Bakri Aladdin, s'était attardé sur cette rencontre (voir vidéo en dessous). Conférence de Bakri Aladdin (extraits)/Réalisation de Salim KOUDIL `Rencontré à la bibliothèque nationale d'El-Hamma, Issam Toualbi, maître de conférence à la faculté de droit d'Alger, a sa "version" de la rencontre des deux andalous(voir vidéo en dessous). ssam Toualbi, /Réalisation de Salim KOUDIL Même si ça n'a pas été abordé par les intervenants l'histoire soufi évoque également la mystérieuse rencontre entreIbn Arabi et Al-Khidr (figure énigmatique évoqué dans le Coran, et considéré comme Saint par certains, et d'autres . Un des nombreux croisements dans le'"âlam al-Mîthâl" (monde imaginal), mais là c'est une toute autre histoire... Regards croisés sur la pensée Akbarienne C'est ce monde mystique que les chercheurs ont essayé de "vulgariser". La libanaise Souad El Hakim a évoqué "Les Voies vers Allah" dans l'oeuvre de Ibn Arabi ( soit sous forme d'l'expérience spirituelle ou d'écrits). La chercheure a, entre autres, abordé les chemins mystiques. Chaque contemplateur peut trouver la voie vers dieu mais pour cela, comme l'indique Souad El Hakim, pas besoin de copier ce qui a déjà existé . "La quête spirituelle ne se trouve ni dans un livre, ni chez un cheikh (...) chacun doit créer son propre chemin" précisait-elle (voir vidéo en dessous). Conférence de Souad El Hakim (extraits)/Réalisation de Salim KOUDIL De son côté la jordanienne, Laila Khalifa, a abordé l'oeuvre de Ibn Arabi en s'étalant sur les Illuminations Solaires et les Illuminations Lunaires. Une conférence basée ainsi sur les deux oeuvres majeures de Cheikh Al Akbar, "Al Futuhat al makiya" (lLes illuminations de la Mecque) et Foussouse al Hikam (Les vernis des sagesses). Rencontré en marge de la rencontre internationale la chercheuse jordanienne revient sur son intervention (voir vidéo en dessous),, en mettant en relief le "dynamisme de l'humanité à travers le temps" tout en précisant que "si vous comprenez la réalité mohamedienne chez Ibn arabi, alors vous allez tout comprendre"...Tout un programme. Laila Khalifa //Interview et Réalisation : Salim KOUDIL Le marocain Mohamed Chérif El-Kittani a abordé dans sa conférence le concept de la "sainteté" chez Ibn Arabi (voir vidéo en dessous). Le chercheur, venu de l'université de Mohamed V (Rabat), s'est basé sur les travaux du philosophe français, Michel Chodkiewicz, auteur du fameux Le sceau des saints et dans lequel la partie mystique de l'œuvre de Ibn Arabi et sa dimension intellectuelle, sont mises en valeur. Conférence de Mohamed Chérif El-Kittani /Réalisation : Salim KOUDIL
La "supériorité de la femme"... Ibn Arabi était connu surtout pour son côté avant-gardiste. A tel point, et 850 ans après sa mort, ses disciples répètent que même en 2015 le Doctor Maximus reste toujours en avance. D'ailleurs, lors de la rencontre du 10 juin dernier, si les machos et les misogynes étaient présents dans la salle, ils se seraient senti mal à l'aise devant le discours féministe de quelques intervenants et invités. Ainsi, Saad Khemssi de l'Université de Constantine, est revenu sur la dimension féminine dans le système de pensée akbarien. Tout au long de sa conférence le chercheur affirmait et réaffirmait que Ibn Arabi considérait la femme comme étant supérieure à l'homme (voir vidéo en dessous). Conférence de Saad Khemssi (extraits)Réalisation : Salim KOUDIL Issam Toualbi, toujours par rapport au féminisme, rappelle, entre autres, que le Doctor Maximus n''était pas contre le fait qu'une femme soit Imam (voir vidéo en dessous).
L'être et le paraître Cette immersion dans le mysticisme de Ibn Arabi permet essentiellement de mettre en valeur la quête de vérité et la recherche de sa voie. Nul besoin de fatwas pour animer une croyance, ni d'un cheikh cathodique pour trouver ses repères. Si la vérité est ailleurs, elle est surement plus proche de la méditation que des apparences... Salim KOUDIL @SalimKoudil