Membre de la CPI, l'Afrique du Sud, qui est obligée par ses statuts d'arrêter ceux recherchés par cette cour, se retrouve devant un véritable dilemme avec l'arrivée sur son sol du président soudanais Omar El-Béchir. Procédera-t-elle à son arrestation conformément à ses obligations de pays membres de la CPI, suite à la demande de cette dernière de l'arrêter lors de sa présence à Johannesburg, où il participe à un sommet de l'Union africaine, où les crises du Burundi et de l'immigration devraient dominer les débats ? Pretoria est d'autant plus embêté car la justice sud-africaine, saisie par une ONG, a interdit hier au président soudanais Omar el-Béchir de quitter le pays tant que le tribunal n'aura pas statué sur la demande d'arrestation formulée par la CPI ? Vendredi, l'ambassadeur d'Afrique du Sud aux Pays-Bas a rétorqué à la Cour pénale Internationale, que son pays se trouvait face à des "obligations concurrentes" et que la loi "manquait de clarté". "Il n'existe aucune ambiguïté ou incertitude quant à l'obligation incombant à la République d'Afrique du Sud d'arrêter et de remettre immédiatement Omar el-Béchir à la Cour", a répondu la CPI. Et c'est sur cette base que l'organisation de défense du droit Southern Africa Litigation Center a saisi la justice en urgence pour tenter d'obtenir une décision sur le sort du chef d'Etat soudanais. Pour rappel, le président de l'Assemblée des Etats parties à la CPI Sidiki Kaba a appelé dans un communiqué de la CPI publié samedi soir "l'Afrique du Sud, qui a toujours contribué à renforcer la Cour, à n'épargner aucun effort pour assurer l'exécution des mandats d'arrêt contre el-Béchir". Deux mandats ont été lancés par la CPI contre le président soudanais, en 2009 pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité et en 2010 pour génocide, les deux en relation avec le Darfour, région de l'ouest en proie aux violences depuis 2003. Plus de 300 000 personnes sont mortes dans ce conflit selon l'ONU. À noter que dans un premier temps, les autorités sud-africaines ont refusé de confirmer l'arrivée en Afrique du Sud du président soudanais, mais la radiotélévision sud-africaine SABC a indiqué dans un tweet qu'El-Béchir avait été "accueilli par des responsables sud-africains et des diplomates soudanais". Hier matin, un responsable gouvernemental sud-africain a déclaré sous couvert de l'anonymat: "Il n'y a plus de raisons de nier qu'il est arrivé". Le président el-Béchir, 71 ans, au pouvoir depuis un coup d'Etat en 1989 et réélu en avril avec 94% des voix pour un nouveau mandat de cinq ans, a depuis 2009 considérablement limité ses déplacements à l'étranger, privilégiant les pays n'ayant pas rejoint la CPI. Depuis ces mandats d'arrêt, s'il a considérablement limité ses déplacements à l'étranger, privilégiant les pays n'ayant pas rejoint la CPI, Omar El-Béchir s'est rendu dans au moins quatre pays signataires du traité de Rome, le traité fondateur de la Cour : la République démocratique du Congo, le Nigeria, le Malawi et Djibouti. Mais, il n'a jamais été inquiété. Reste à savoir maintenant, si Pretoria se pliera à la requête de la CPI et la décision de sa propre justice ? Ceci étant, le Soudan a assuré hier que Béchir rentrera à Khartoum après le sommet de l'Union africaine. M.T.