Une expédition des Grands requins du bassin algérien a été organisée du 14 au 20 juin dernier, à Skikda. Sous la coupe, du CNRDPA (Centre national de recherche et de développement de la pêche et de l'aquaculture) et de l'ENSSMAL (Ecole nationale supérieure des sciences de la mer et de l'aménagement du littoral) en partenariat avec le programme "Requin Blanc - Méditerranée", l'expédition avait pour but d'étudier et d'observer le comportement des requins sur la côte algérienne. Liberte-algerie.com a contacté, Dr François Sarano, chef d'Expédition grand requin blanc de méditerranée, et le Dr Emir Berkane, le coordinateur de l'Expédition, pour partager leur expérience avec nos lecteurs. Entretien réalisé par Imène AMOKRANE Quel premier bilan pouvez-vous dresser après votre première expédition en Algérie ? François SARANO: Une Expérience très positive. Nous avons été émerveillés encore une fois par l'accueil de nos amis algériens et de l'engouement suscité par notre expédition. Cette première opération a été un franc succès car elle a permis de confectionner un dispositif d'attraction des requins dans le but de les observer, de les recenser et de les étudier. Les choses sont allées très vite depuis Mars dernier à Alger, lorsque nous avons participé aux journées d'études sur le requins et nous pensons que ce programme commun entre l'Expédition Grands Blancs de Méditerranée et l'Expédition Grands Requins du Bassin Algérien sera très fructueuse. Emir BERKANE: Monter des expéditions en Algérie n'est pas chose facile. Nous sommes néanmoins arrivés à développer un cadre de collaboration entre d'un coté, les instances gouvernementales à savoir le Ministère de la pêche et des ressources halieutiques et l'Ecole nationale supérieure des sciences de la mer et de l'aménagement du littoral (ENSSMAL), d'un autre coté avec un réseau national et international de partenaires associatifs et enfin en impliquant des partenaires financiers (sponsors).Cette véritable synergie entre les intervenants permet d'imaginer les entreprises scientifiques les plus ambitieuses et vulgariseront à l'avenir les expéditions internationales.
Les requins sont connus pour être des prédateurs dangereux pour l'Homme. Le sont-ils vraiment ? F.S. : Mais pas du tout ! Combien avez vous eu d'attaques de requins en Algérie ? Zéro ! Combien d'attaques sur plongeurs dans le monde ? Pareil, zéro ! Les rares incidents qui se produisent dans le monde arrivent quand les hommes ne respectent pas les règles de la nature, comme se baigner le soir ou quand la visibilité ne permet pas au requin de faire la distinction entre l'homme, qui ne fait pas partie de son régime, et ses proies habituelles. Les abeilles, les moustiques et même la foudre, font plus de victimes dans le monde que les requins. E.B.: Hollywood a complétement bouleversé notre vision du requin, il en a fait un tueur féroce qui va manger tout le monde, le nageur le plongeur et même le bateau ! C'est totalement faux, c'est un animal timide, voire craintif et qui est essentiel à l'équilibre de l'écosystème. Aujourd'hui malheureusement il est en grand danger d'extinction.
En plein été les estivants risquent de se trouver nez a nez avec un requin, que serait la chose à ne pas faire? F.S. : La seule chose à ne pas faire serait de ne pas nous en avertir (rires) C'est tellement important pour notre étude et il est devenu tellement rare d'en apercevoir. Les personnes qui sont susceptibles de rencontrer un requin, doivent nous informer sur la page Facebook du programme et, dans l'idéal, prendre une photo ou une vidéo s'ils sont sur la plage ou sur un bateau. E.B. : les témoignages d'observation et de pêche durant les années 80 et 90, pullulent. Aujourd'hui ils sont beaucoup plus rares. Pour preuve en Cinq jours d'observation à Skikda, nous n'avons rien vu ! Ce sont des données inquiétantes, tous les spécialistes s'accordent à dire que si les requins disparaissent de nos eaux, c'est toute la pêche artisanale en Algérie qui est menacée.
Les requins sont de plus en plus visibles ces dernières années en Algérie, A quoi est ce du ? F. S. :C'est une impression, ils sont moins nombreux, beaucoup d'espèces de requins ont déjà disparues des cotes nord de la méditerranée et là, en Algérie, il semble que les requins sont en danger, j'en veux pour preuve les récits de pèches de requins marteaux à Skikda dans les années 80 par les italiens et encore une fois un nombre d'observation nul la semaine dernière. E. B. : Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire dans vos colonnes l'année dernière, s'il y a plus d'observation c'est parce que les moyens de communication se sont développés (réseaux sociaux, 3G, téléphones équipés de cameras). Il n'y a pas plus de requins, bien au contraire mais l'information remonte plus vite et en quantité plus importante. En résumé, il n'y a pas d'invasion, bien au contraire, il y a toujours eu des observations et des échouages, des prises de pêche mais maintenant on le sait plus vite et plus souvent. Combien d'espèces de requins existe-il en Algérie ? F.S. : Il existe d'après mon ami Hamza Mendil de l'ENSSMAL, notre jeune doctorant avec lequel nous collaborons, entre 35 et 37 espèces de requins en Algérie, elle vont de quelques dizaines de centimètres comme pour la roussette à plusieurs mètres comme pour le requin pèlerin qui se nourrit de plancton. Nous avons également eu la bonne surprise d'obtenir une photographie de requin blanc, à Tlemcen en Mars dernier, preuve si besoin que ces requins à la mauvaise réputation vivent dans vos eaux paisiblement depuis toujours. Quelles sont les perspectives de votre mission ? F. S.: Les choses ont évoluées très vite et de façon très positives depuis les journées d'études du 03 mars et notre rencontre avec Monsieur le Ministre de la Pèche et des ressources halieutiques, nous avons toute confiance dans le dynamisme de l'équipe locale pilotée par Emir et Hamza, je suis très confiant que quand l'équipe de tournage dirigée par René Euzey (OCEANS) viendra en Automne, nous aurons de belles images et nous pourrons continuer notre étude sur ce formidable animal. E. B.: Le soutien de Monsieur le Ministre, du Pr Hamdi de l'ENSSMAL et de Mr Annane du CNRDPA, nous permettent d'espérer la réussite de ce programme. Dés la semaine prochaine, nous projetons des repérages à Annaba puis à El Kala en Aout avec le soutien de l'EFTPA (Ecole de formation technique de pêche et d'aquaculture). Autant de sorties qui permettront aux scientifiques nationaux et internationaux d'étudier les requins dans leur habitat naturel. Voir galerie photos en cliquant ici Par Imène AMOKRANE @ImeneAmokrane