Alger. El-Hamiz. À quelques jours de la fête de l'Aïd, la grande bergerie s'installe. Revoilà la pagaille ! À l'entrée du faubourg d'El-Hamiz, en provenance de Rouiba, des montagnes de bottes de foin occupent de larges parcelles de la chaussée délabrée. Des camions et des fourgonnettes chargés de moutons sont stationnés un peu partout. De part et d'autre de la chaussée. Les vendeurs à la sauvette de fruits et légumes n'ont visiblement plus d'espace. La scène est digne des marchés aux bestiaux de Djelfa et Tiaret et autres villes de l'intérieur. Pourtant, cela se passe au centre de la capitale algérienne. La wilaya d'Alger a adressé ce jeudi "une correspondance aux walis délégués leur enjoignant d'informer les P/APC de la décision de la désignation des lieux destinés à la vente de moutons pour l'Aïd al-Adha". Selon un communiqué de la direction de la réglementation et des affaires générales de la wilaya d'Alger, répercuté par l'agence de presse officielle "pas moins de 46 communes ont été désignées pour abriter les 119 sites destinés à la vente des bêtes du sacrifice de l'Aïd afin de sauvegarder l'environnement". Le faubourg d'El-Hamiz ne semble pas concerné par cette correspondance réglementant les points de vente de moutons. C'est un territoire soumis à la seule loi de l'anarchie. À hauteur du pont surplombant l'oued puant, un automobiliste ralentit. Il baisse la vitre et se renseigne sur les prix. Un jeune homme, debout au milieu d'une dizaine de moutons sur la benne arrière de sa fourgonnette, lui indique une fourchette. Entre 50 000 et 75 000 DA. L'automobiliste daigne enfin libérer le passage sous les klaxons d'une file d'attente de voitures qui forme déjà un bouchon. Mais voilà que la Renault 18, immatriculée année 1987, s'arrête à nouveau. Une panne. Imperturbable, l'automobiliste prend tout son temps pour dégager sa voiture de la route. Chose faite, il retourne se renseigner sur les prix ! Un peu plus bas, à côté des rôtisseries de poulets et des vendeurs de galettes, une plaque est accrochée à l'entrée d'un chantier d'habitation : "Vente de moutons de l'Aïd". C'est un mélange de poussière, de gaz carbonique de voitures et d'odeurs bestiales. Une atmosphère qui ne semble pas incommoder les passagers. Ils s'arrêtent pour manger dans ces restaurants jouxtant les bergeries à ciel ouvert. L'odeur du poulet rôti est décidément plus forte. Bon appétit ! À la sortie d'El-Hamiz, sur la gauche, une grande surface bouseuse sert de points de vente clandestins. Mkadem, 38 ans, tourne autour d'un troupeau d'environ une vingtaine de moutons. "Il est à combien le moins cher ?", demande un client. 48 000 DA non négociables. Mkadem est de la région de Tiaret. Plus précisément de Ksar Chellala. Cela fait trois jours qu'il propose ses moutons à Alger. Accompagné par son frère, il a loué un garage au fin fond des habitations monstrueuses d'El-Hamiz. Le garage sert, bien entendu, à abriter les moutons une fois la nuit tombée. Mkadem et son frère dorment à l'extérieur. À la belle étoile. "Il faut bien gagner sa vie. Ce n'est qu'une question de quelques jours. Nous sommes habitués. C'est la troisième année que nous louons ici", explique-t-il. En début d'après-midi, la chaleur devient étouffante. Le soleil tape fort et l'incidence de ses rayons se fait sentir. Les deux frères n'éprouvent aucun malaise. Le business avant tout. L'anarchie comme mode de fonction général. M. M.