Les mandataires et grossistes en fruits et légumes ont accueilli avec satisfaction l'annonce par le ministre du Commerce, Bakhti Belaïb, de la publication d'un décret exécutif lié à la traçabilité des produits agricoles et à une meilleure organisation des marchés de gros. L'initiative prise par le ministre est, somme toute, louable, jugent-ils, mais des conditions doivent être réunies au préalable pour une application idoine de ce texte. De prime abord, ils demandent au premier responsable du département de les associer dans cette démarche, eux, qui sont sur le terrain. Ils se considèrent comme des professionnels qui maîtrisent le mieux tous les aspects ayant trait à cette activité. "À l'époque où M. Belaïb était ministre en 1996, nous étions régulièrement consultés sur des décisions que comptait prendre le ministère", avoue Mohamed Medjber, président de la Commission nationale des mandataires en fruits et légumes. Les mesures prises étaient souvent opportunes car elles étaient affinées par les gens du métier. Les projets de loi étaient soumis pour amendement aux professionnels dans un climat de dialogue et de concertation. M. Medjber regrette encore ce type de relation entre les commerçants et l'administration qui a disparu avec le départ à cette période de M. Belaïb. Avant la mise en œuvre de ce texte, le président des mandataires réclame plus de transparence dans la gestion des marchés de gros. Il déplore la désorganisation qui caractérise les marchés gérés par le privé. "Souvent, l'on remarque l'existence d'un marché dans un marché à cause d'un laisser-aller total", souligne M. Medjber. Dans ces marchés loués par les communes à des privés, les fellahs vendent seuls et à leur guise sans le moindre contrôle. Or, dans d'autres, confiés à des établissements publics à caractère industriel et commercial (Epic), les producteurs passent impérativement par les mandataires dans une parfaite organisation et une transparence totale. "Avant de songer à appliquer ce texte de loi qui est, du reste, le bienvenu, il faut revoir tout", suggère ce mandataire. Autrement dit, il faut que ces espaces commerciaux aient un seul et même statut. Or, il y a ceux qui sont gérés par la wilaya, d'autres par la commune, le privé... Hadj Boulenouar, porte-parole de l'UGCAA, estime que pour la mise en application de ce décret, il faut d'abord éradiquer l'informel. Pour lui, la mesure qui autorise l'agriculteur à commercialiser lui-même sa marchandise n'est pas une solution durable. "Ce fellah qui devient commerçant, aura-t-il le temps et les compétences nécessaires pour exercer ces deux activités qui demeurent différentes ?", s'interroge-t-il. "Va-t-on lui attribuer la carte d'agriculteur ou un registre du commerce ?", se demande-t-il encore. Une telle disposition de la réglementation, affirme M. Boulenouar, s'inscrit en porte-à-faux avec les principes de la politique de l'encouragement de la production nationale, prônée par le gouvernement. Le ministre du Commerce a affirmé qu'"en vertu de ce décret — dont l'application est prévue pour les prochaines semaines — les agriculteurs sont tenus de fournir un document renseignant sur l'origine, la quantité et le prix de leurs produits vendus sur les marchés de gros et de détail". Cette démarche devrait, selon ses initiateurs, faciliter aux services du ministère du Commerce le contrôle des marchandises, notamment sanitaire et le suivi de la traçabilité du produit agricole, depuis la phase de production jusqu'à son arrivée aux mains du consommateur. Le mécanisme permettra de réduire le nombre de commerçants illégaux au niveau des marchés de gros et la spéculation, la difficulté de suivre la traçabilité des produits agricoles étant parmi les causes qui entravent l'organisation de ces surfaces. B. K.