Il n'a jamais pensé écrire un jour ses mémoires et raconter son parcours de journaliste. Il n'a jamais pensé écrire un jour un livre pour apporter son témoignage sur le métier exercé pendant les deux premières décennies de l'indépendance, sur "une époque" où Alger était "la mecque des révolutionnaires". Mais de qui s'agit-il ? C'est de notre confrère Mouloud Chekaoui qu'il s'agit, celui-là même qui a fait partie des pionniers de la radio-télévision algérienne, à l'indépendance du pays. Dans ses mémoires Une vie, un parcours, 171 pages, paru récemment aux éditions Rafar, on apprend que ce reporter est né le 5 mai 1939 dans le village de Taliouine, dans la commune de Mekla, à une trentaine de kilomètres de Tizi Ouzou. Fils d'émigré, Mouloud Chekaoui parle avec beaucoup de tendresse de son grand-père Saïd et de sa mère qui a été d'un "très grand réconfort dans son enfance", mais aussi de son petit village, espace enclavé, livré aux "temps extrêmement durs", qui n'avait même pas d'école. À la fin des années 1940, l'auteur, âgé alors de 9 ans, sera l'unique enfant scolarisé de son village et devra parcourir à pied des kilomètres pour se rendre quotidiennement dans le hameau voisin, à l'école d'Agouni-Bouafir. Une fois le cycle élémentaire terminé "avec succès", il va parcourir toujours à pied quelque 7 km pour aller à l'école de Djemâa Saharidj, où il décrochera le certificat d'études primaires, à la fin de l'année scolaire 1954-1955. Une nouvelle vie commence pour l'adolescent qui, comme son père et ses frères, comme la plupart des hommes de Taliouine et de Kabylie, empruntera l'autre chemin "dur" de l'exil. Mais contrairement aux autres membres de sa famille, son passage en France sera de courte durée, à peine 3 ans. Mouloud Chekaoui rentrera au pays pendant l'année 1958, l'année de l'avènement au pouvoir du général de Gaulle et des nombreux défilés et manifestations des pieds-noirs pour la sauvegarde de "l'Algérie française", ayant conduit à la création de la sinistre OAS. Après deux années passées à la caisse de sécurité d'Alger, en tant qu'agent de bureau, l'auteur, la vingtaine passée, réussit "un test de voix et une traduction d'une dépêche en kabyle". C'est ainsi qu'à la fin 1961, il est engagé comme journaliste pigiste, un statut accordé aux seuls Algériens, à la chaîne kabyle de la radio d'Alger. Il s'y sent "dans son élément" et le travail le "passionne". Il se retrouve, au début de l'année 1962, "aux premières loges", témoin d'un contexte "insurrectionnel" marqué par les menaces et les actes criminels de l'OAS, y compris sur le siège de la radio et de la télévision. "J'ai vécu (...) cette folle période à la fois stressante et exceptionnelle parce que, comme mes collègues algériens, je me sentais investi d'une mission non explicitée, mais bien réelle, dictée par le devoir envers la nation", confesse-t-il dans ses mémoires, en rappelant plus loin la "date historique" du 28 octobre 1962 de la naissance de la radio-télévision algérienne (RTA). Arrivent alors les "plus belles années" de Mouloud, ses missions à l'intérieur du pays et à l'étranger, ses rencontres et ses découvertes. "Être journaliste à cette époque, c'était vivre des moments historiques, avec les visites de Fidel Castro, Che Guevara, Yasser Arafat ; c'était aussi aller à la rencontre des peuples de nombre de pays africains en lutte pour leur indépendance ; c'était la découverte du monde et des pays amis de l'Algérie, ceux qui l'ont aidée durant sa guerre de libération", écrit-il, avec un certain goût de regret. H. A.