La mise en place des outils de transition, dont un gouvernement d'union nationale et l'application du plan de décentralisation avancée, est la clé de la réussite du processus de mise en œuvre de l'accord d'Alger, selon les représentants des groupes politico-armés du nord du Mali. Cinq mois après sa signature à Bamako, l'accord d'Alger demeure fragile, en dépit des avancées enregistrées ces dernières semaines au niveau des commissions et sous-commissions chargées de sa mise en œuvre dans le nord du Mali. La recrudescence des attaques terroristes dans le nord du pays, qui touchent désormais la capitale Bamako, est un signe du malaise que des représentants de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) et de la Plateforme (Pro-Bamako) n'ont pu cacher, hier, en marge du séminaire organisé par la Mission de l'Union africaine pour le Mali et le Sahel (Misahel), au Palais des nations à Alger. "Il y a d'énormes lenteurs dans la mise en œuvre de l'accord d'Alger qui font monter la tension au sein des populations du nord du Mali", a avoué Sidi Brahim Ould Sidati, président pour la CMA de la Commission de suivi de l'accord d'Alger (CSA), en marge de ce séminaire de deux jours, et auquel a assisté le ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Ramtane Lamamra. Notre ministre reconnaît, lui aussi, que l'ensemble de "la région sahélo-saharienne reste minée par une myriade de fléaux et menaces", dont le terrorisme islamiste que "la porosité des frontières de certains pays de la région", ajoute-t-il, favorise, laissant la voie libre au "foisonnement des groupes armés" et à la "prolifération des armes, ainsi qu'au phénomène de la radicalisation". Ce dernier menace, en effet, selon un récent rapport de l'ONU sur le Sahel, plus de 45 millions de jeunes dans tous les pays de cette région, sujets aux "vulnérabilités liées au climat (sécheresse, ndlr) et à l'état d'extrême pauvreté", comme l'a souligné Ramtane Lamamra. Le retour des groupes islamistes, qui ont multiplié les attaques contre les forces armées maliennes et les camps de la mission onusienne (Minusma), est favorisé, en partie, selon le représentant de la CMA par ces lenteurs et les retards enregistrés par les parties impliquées dans la crise à concrétiser les engagements pris envers la population du nord du pays et les réfugiés. Les membres d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Ansar Eddine de l'ex-chef targui Iyad Ag Ghali, le Front de libération du Macina (centre du pays) du prédicateur extrémiste Amadou Kouffa ont profité de ces retards pour mener une campagne de sabotage contre l'accord d'Alger, en usant du discours religieux contre ceux qu'ils qualifient d'ennemis du peuple malien et de l'islam. La précarité socioéconomique facilite le ralliement des jeunes dans les villages isolés dans le nord du Mali, a expliqué à son tour Me Harouna Touré, représentant de la Plateforme, en marge du séminaire, dont le but, justement, est le débat qui tourne autour des "initiatives de développement de l'Union africaine dans le Sahel" et des "perspectives de mise en œuvre de l'accord de paix au Mali". Conclu à l'issue d'un long processus de discussions, de mars 2013 à juin 2015, entre le gouvernement malien et les groupes politico-armés du nord du Mali, l'accord d'Alger a besoin aujourd'hui d'un nouvel élan. Mais le gouvernement malien semble manquer de volonté politique à se fier au sentiment général des Maliens du nord du pays et au constat dressé par Sidi Brahim Ould Sidati et Harouna Touré. Les deux interlocuteurs sont d'accord pour penser que rien n'a été fait sur le terrain, cinq mois après la conclusion de l'accord d'Alger. Car, "rien ne peut se faire sans la mise en place des outils de transition", prévus par ledit accord. Il s'agit de la mise en place d'un gouvernement d'union nationale, auquel devraient être associés les leaders de la CMA, de la Plateforme d'Alger et tous les partis de l'opposition, y compris ceux qui se sont opposés à tout dialogue avec les membres de l'ex-rébellion du Nord. La création de nouvelles régions, dans le cadre du plan de décentralisation avancée, telles que proposées par le président malien Ibrahim Boubacar Keïta, fait partie de ces "outils de transition" qui attendent toujours, avant le parachèvement de la première phase de la mise en œuvre de cet accord et l'organisation d'élections locales. Pour cela, il faudra garantir une certaine stabilité. "Il ne peut y avoir de développement durable sans la sécurité, tout comme il ne peut y avoir de stabilité sans développement", a conclu l'ancien président Paul Buyoya, patron de la Misahel. L. M.