Beaucoup d'hommes politiques, observateurs et même certains acteurs de marché, ici et ailleurs, avaient espéré un rebond significatif et durable des prix du pétrole en cette fin d'année 2015, notamment à la faveur de la COP21 et de la réunion semestrielle de l'Opep qui s'est tenue le vendredi 4 décembre 2014. Pour des raisons d'ailleurs complètement différentes. Les uns parce qu'ils considèrent, à juste titre, qu'un faible prix des hydrocarbures n'incite pas au développement des énergies alternatives comme l'illustre la faillite annoncée d'un des plus grands groupes mondiaux d'énergie renouvelable, l'espagnol Abengoa avec une dette brute estimée à 8,9 milliards d'euros. Les autres parce qu'ils estiment que la position de l'Arabie Saoudite, un des acteurs-clés de la crise, est dans une position financière intenable avec un déficit budgétaire pour 2015 de 21% du PIB soit $130 milliards, selon le FMI. Ce qui a obligé ce pays à émettre en juin 2014 de la dette sous forme d'émission de $20 milliards d'obligations. Sur un plan régional, les pays du Conseil de coopération du Golfe (CGG) se retrouvent avec un déficit public cumulé de $180 milliards en 2015 alors qu'en 2013 ils affichaient un excédent de même niveau ($183 milliards). C'est finalement ce contexte incertain pour tous les pays membres de l'Opep, fragiles et en voie de fragilisation, qui a expliqué la fébrilité des marchés et même une tendance à la hausse des cours pétroliers, à l'ouverture de la conférence ministérielle de l'Opep, à $ 44,49 le baril. Mais cet espoir n'a été que de courte durée : le temps d'une conférence qui s'est achevé sans réduire le plafond de production de l'organisation. Conséquence immédiate : les prix du pétrole ont immédiatement amorcé leur repli sur les marchés internationaux : le prix du baril de brent reculait à 43,20 dollars perdant 1,46% de sa valeur. En vérité les faits sont têtus et le marché pétrolier est encastré dans une crise à cycle long. Ainsi les facteurs déclenchants de la crise sont toujours là et se sont même pour certains d'entre eux aggravés. Du côté de l'offre d'abord. Aux Etats-Unis, la production pétrolière non conventionnelle a certes baissé du fait de la fermeture de certains puits non rentables au-dessous du seuil de 60 dollars, mais elle ne s'est pas effondrée comme le pensait l'Arabie Saoudite. Cette dernière, en dépit de ses graves difficultés budgétaires, maintient sa production, suivie en cela par les autres pays du CCG. Fait nouveau aggravant l'offre pléthorique actuelle de pétrole, l'Iran s'apprête à augmenter sa production suite à la levée des sanctions qui la frappaient, à hauteur d'abord d'un demi-million de barils par jour (bl/j.) puis de 1 million de bl/j. Cela alors que les pays de l'Opeop ont atteint en novembre 2014 une production de 31,77 millions de bl/j, dépassant de près de deux millions de bl/j le plafond de 30 millions de bl/j, qu'ils s'étaient eux-mêmes fixés. La Russie quant à elle continue de produire au maximum de son potentiel pour compenser non seulement la chute des prix mais aussi le manque à gagner dues aux sanctions économiques et financières dont elle a fait l'objet. Elle n'a même pas cru utile d'envoyer un observateur à cette réunion ordinaire de l'Opep. Du côté de la demande, la croissance mondiale est restée globalement faible et le restera en 2016. L'Inde, qui est présentée comme le prochain relais de la croissance, notamment par l'Agence internationale de l'énergie (AIE), à la place de la Chine, n'est pas de mon point de vue en mesure d'assumer ce rôle pour le moment pour des raisons que j'avais développées dans ces colonnes. Alors d'où peut provenir un redressement significatif des cours pétrolier ? Deux thèses sont en présence celle de l'AIE et celle de l'Arabie Saoudite. Pour l'AIE, le désinvestissement décidé et mis en œuvre par les grandes compagnies internationales va réduire, à moyen terme (2020), l'offre pétrolière et stimuler une remontée des cours au niveau de 80 dollars le baril d'autant que la demande sera tirée par l'Inde qui ne dispose pas d'alternatives pour alimenter sa croissance. Pour l'Arabie Saoudite et ses alliés du Golfe, la fermeture progressive mais systématique des puits de pétrole de schiste aux Etats-Unis ouvrira de nouveau le marché américain et augmentera significativement la demande mondiale. On peut conclure sur deux points. Le premier est que nous sommes installés dans des prix bas pour longtemps : entre 40 dollars et 50 dollars pour les pessimistes et entre 50 dollars et 60 dollars pour les optimistes. Le deuxième est qu'il faudra attendre au moins 2020 pour obtenir des prix de 80 dollars. L'autre mauvaise nouvelle pour nous est que nous ne pouvons pas compenser ces pertes de revenues par l'exportation de quantités supplémentaires d'hydrocarbures. D'où l'urgence des réformes structurelles que l'on soit au pouvoir ou dans l'opposition. Qui peut soutenir le contraire ? M. M.