Sur un ton d'une rare virulence, Abdelilah Benkirane s'est ouvertement attaqué à l'Algérie dans les dossiers liés à la fermeture des frontières avec le Maroc et au Sahara occidental. Il dira à ce propos que "les Algériens et nous sommes, bon gré, mal gré, frères et nous nous ressemblons beaucoup. Ce qui nous a divisés, c'est l'Histoire", avant d'enchaîner : "Ceux qui contrôlent l'Algérie ont fait de ce dossier la base de leur pouvoir. Pour eux, l'Algérie ne peut aller mieux que si le Maroc a des problèmes." Sur sa lancée, le chef du gouvernement marocain ira jusqu'à affirmer : "L'Algérie a peur de nous et le président Abdelaziz Bouteflika avait même un jour déclaré que si les frontières entre l'Algérie et le Maroc s'ouvrent, ce seront plus les Algériens qui iront au Maroc que l'inverse. Si l'Algérie a un problème avec le Maroc, cela doit se régler par le principe de la concurrence et de la compétitivité et non par la haine et la fermeture des frontières", sans s'étaler sur ce pourquoi l'Algérie a peur du Maroc. Abdelilah Benkirane a tenté d'expliquer comment il est arrivé à la conclusion que l'Algérie est l'ennemie du Maroc en déclarant : "Quand une personne est plus près des postes de décision, elle constate que les premiers ennemis sont, essentiellement, l'Algérie et non le peuple algérien, puis viennent le Polisario ainsi que d'autres forces." Revenant sur la querelle qui a opposé Rabat au secrétaire général des Nations unies, le chef du gouvernement marocain a estimé que le secrétaire général de l'ONU a été "leurré". "Nous avions des problèmes avec Christopher Ross en 2012 et le secrétaire général des Nations unies a cru que la question du Sahara était prise à la légère par le Maroc. Ban Ki-moon nous a provoqués et nous lui avons répondu politiquement", a-t-il souligné. "Même si le ministre des Affaires étrangères Salaheddine Mezouar a affirmé que Ban Ki-moon s'est excusé, celui-ci n'a pas présenté ses excuses officiellement. Donc, le problème est toujours d'actualité", a ajouté le chef du gouvernement marocain. Entre-temps, Ban Ki-moon semble avoir cédé dans ce bras de fer, si l'on se fie aux déclarations lundi soir de son porte-parole Stéphane Dujarric, qui a affirmé que le SG de l'ONU déplore un "malentendu" concernant ses propos sur le Sahara occidental et ne veut "épargner aucun effort" pour apaiser cette querelle avec Rabat. "L'utilisation de ce terme n'était pas préméditée ni délibérée, c'était une réaction spontanée, personnelle" au sort des réfugiés sahraouis que Ban Ki-moon a rencontrés à Tindouf, a expliqué Stéphane Dujarric, avant d'ajouter : "Nous regrettons les malentendus et les conséquences que cette expression personnelle de sollicitude a provoqués." Il a réaffirmé que le secrétaire général de l'ONU n'avait aucune intention d'offenser le Maroc et que l'ONU, qui mène une médiation, n'avait pas changé de position et ne "prenait pas parti" dans ce dossier. Stéphane Dujarric a conclu sa déclaration en assurant que désormais, "il importe de surmonter les difficultés actuelles et de permettre à la mission de poursuivre son travail", et que Ban Ki-moon et ses représentants "sont prêts à n'épargner aucun effort pour y parvenir, dans un esprit constructif et de coopération". Mais la réalité est tout autre, car le patron de l'ONU donne l'impression de ne pas assumer la responsabilité de ses propos. Merzak Tigrine