Les enseignants contractuels sont plus que jamais déterminés à aller jusqu'au bout de leur marche, initiée dimanche dernier depuis Béjaïa et laquelle devra les conduire jusqu'à Alger. Les contractuels, dont le nombre dépasse les 1 200 personnes, qui marchent pour "la dignité", ont pénétré, avant-hier, en fin d'après-midi, le territoire de la wilaya de Bouira, où ils ont été accueillis en véritables héros par les populations des communes de Chorfa et de Raffour, sises à une cinquantaine de kilomètres à l'est de Bouira. Rares ont été les manifestations et autres marches à avoir eu le soutien et la solidarité des citoyens, des élus locaux et même de certains partis politiques, dont le FFS, le RCD et le Front El-Moustakbel, comme celle de ces enseignants qui se disent être marginalisés et abandonnés par la tutelle. Preuve en est, une seule phrase revenait à chacune de leurs haltes, "l'Algérie tout entière est avec vous". Accueillis en héros par la population En effet, les citoyens de Chorfa et de Raffour, d'El-Adjila, de Bechloul et d'El-Esnam se sont empressés d'apporter aide et assistance aux marcheurs, dont la majorité était déshydratée et souffrait de contusions aux pieds. Des bouteilles d'eau fraîche leur ont été servies dès leur arrivée, les patrons de cafétérias et autres restaurants les ont invités à se désaltérer et à s'attabler autour d'un bon repas, afin de reprendre des forces après plusieurs heures de marche. "Nous avons souffert et nous souffrons encore de l'oppression des autorités. Qui mieux que nous peut comprendre le désarroi et le sentiment d'injustice de ces enseignants. Il est de notre devoir de les aider du mieux que nous pouvons", déclarent certains citoyens de la commune de Chorfa. Et d'ajouter cette phrase en guise d'encouragement : "L'Algérie entière est avec vous." D'autres habitants leur ont apporté des médicaments, notamment du mercurochrome et des analgésiques pour calmer les douleurs aux pieds et aux articulations. Certaines pharmacies ont été carrément réquisitionnées pour la circonstance. "L'intégration sans condition et rien d'autre" Les centaines de marcheurs se sont entassés à l'intérieur du lycée Allian-Hamimi de Chorfa, où ils ont passé la nuit avant de reprendre le lendemain leur pénible périple. "Nous n'abdiquerons pas. Notre mouvement est juste et il se veut pacifique. Nous voulons uniquement nos droits (...) Mme Benghabrit est certes une ministre de grande valeur, mais elle doit comprendre que les enseignants contractuels que nous sommes, ont une dignité", soulignent ardemment nombre de manifestants interrogés. À titre de rappel, ces enseignants exigent de Mme Benghabrit "l'intégration sans concours et sans condition de tous les enseignants contractuels et vacataires dans le secteur de l'éducation nationale" et dénoncent haut et fort des décisions jugées "provocatrices" de leur tutelle. Pour sa part, Idir Achour, porte-parole du Conseil des lycées d'Algérie (CLA), qui participe à la marche, a déclaré à Liberté que "la détermination de cette catégorie d'aller jusqu'au bout ne peut être brisée par aucune partie (...) Mme Benghabrit doit écouter la détresse de ces contractuels. Cette marche est la preuve ultime de leur désespoir. Ils voient leur avenir s'assombrir de jour en jour et personne ne vient à leur secours", a-t-il déploré. S'agissant du "geste" de la ministre de l'Education nationale, qui avait annoncé que les salaires et autres primes des contractuels seront versés à temps, notre interlocuteur répondra sèchement : "On exige l'intégration et rien que l'intégration." Même son de cloche du côté du député Khaled Tazaghart, qui exhorte le Premier ministre et même le président de la République à "intervenir en urgence" afin de "faire entendre raison" à la ministre de l'Education. "Il vaut mieux cramer sous le soleil que vivre dans le mépris" Très tôt dans la matinée d'hier et après une bonne nuit de sommeil, "ces enseignants sacrifiés" comme ils aiment se faire appeler, ont repris leur marche sous les applaudissements des populations. "Vous êtes des héros. Que le Bon Dieu soit avec vous et contre ceux qui vous ont oppressés", lancera un vieil homme originaire de la commune de M'chedellah. Et de rajouter : "Tout le peuple est avec vous." Sous un soleil de plomb, les marcheurs donnaient l'impression d'être à leur premier jour de marche tant ils ont affiché la force et l'envie de poursuivre leur combat. "Non à la hogra. Nos droits et uniquement nos droits", "Halte à l'injustice", "Nous ne voulons plus des contacts de l'indigence", tels étaient les slogans scandés tout au long de leur marche qui les fera traverser les communes d'El-Adjiba, de Bechloul, d'El-Esnam, avant d'arriver à Bouira. Vers 12h30, le soleil est à son zénith et le thermomètre affichait déjà 32o à l'ombre. Les signes de fatigue commençaient à se manifester. Certains marcheurs, notamment des femmes, peinaient à suivre la cadence. L'une d'elles s'assied quelques instants, regarde autour d'elle et nous dit d'un ton énergique : "Je dois continuer. Notre lutte est celle de la dignité. Il vaut mieux cramer sous le soleil que vivre méprisé", dira-t-elle, avant de se relever pour rejoindre ses camarades. Une scène poignante. D'ailleurs, une dizaine de manifestants ont été brièvement hospitalisés à la polycyclique d'El-Adjiba pour insolation. RAMDANE BOURAHLA