Parcourir près d'une centaine de kilomètres en trois jours, à pied, n'est pas une sinécure. Pour preuve, certains marcheurs commencent déjà à craquer. Mais la détermination y est toujours. Hier, vers 16h30, les enseignants contractuels en marche vers Alger ont franchi les limites de la wilaya de Béjaïa, sises à la sortie ouest de la ville de Tazmalt, pour entamer la traversée de la wilaya de Bouira. Bien que les conditions climatiques soient très favorables en ces journées printanières, où le temps est doux et ensoleillé, la tâche n'est pas vraiment facile ! Parcourir près d'une centaine de kilomètres en trois jours à pied, n'est pas une sinécure. Pour preuve, certains marcheurs commencent déjà à craquer. Un état de faiblesse générale caractérisé par une baisse de tonus (asthénie), commence à se faire sentir chez les plus vulnérables. En effet, quelques enseignants, notamment des femmes, souffrant d'une fatigue générale, ont dû être évacués vers des structures de santé pour recevoir les soins nécessaires. C'est le cas de certains manifestants présentant un gonflement des chevilles et des pieds (œdèmes) dû à l'épuisement après une longue marche. Craignant la dégradation de l'état de santé de leurs camarades, les représentants du comité des enseignants contractuels et vacataires ayant initié ce mouvement de protestation, n'ont pas manqué de lancer un appel au directeur général de la Protection civile, Mustapha Lahbiri, pour qu'il envoie des ambulances médicalisées et une équipe de secouristes en vue de veiller au confort et au bien-être des manifestants et autres participants à cette marche de "la dignité humaine". Les mêmes délégués tiennent, par ailleurs, à rendre hommage aux comités locaux du Croissant-Rouge algérien (CRA), aux élus, aux commerçants, aux militants associatifs et aux citoyens d'Akbou et de Tazmalt pour leur accueil, leur hospitalité, leur soutien et leur solidarité agissante. Il faut noter que les marcheurs, estimés hier à quelque 1 200 enseignants, ont été hébergés dans la nuit de lundi à mardi, dans deux lycées : Mohamed-Haroun (ex-Hafsa) et Debbih-Cherif, de la ville d'Akbou. La prise en charge logistique a été assurée par des bénévoles du CRA, de la Laddh et d'autres organisations locales et ce, grâce au concours de certains opérateurs économiques et commerçants, mais aussi de simples citoyens, qui ont fait des dons en denrées alimentaires (eau minérale, jus, yaourts, gâteaux, fruits et légumes, pain, viande...). L'élan de solidarité exprimé par la population de la vallée de la Soummam, ne s'est pas seulement limité à la nuitée passée dans la ville d'Akbou, puisqu'il s'est élargi à d'autres endroits lors du long parcours du lendemain, lorsque la procession humaine a quitté Akbou pour reprendre le chemin vers la capitale. En effet, en cours de route et au fil des kilomètres dévorés, les marcheurs sont accueillis comme des "héros" par les citoyens des autres agglomérations. À Azaghar, tout comme au village Colonel-Amirouche (ex-Riquet), à Allaghane et enfin à Tazmalt, ils sont reçus avec des bouteilles d'eau minérale, des jus de fruits, des figues sèches, des sandwichs et autres plats traditionnels. Ces gestes humanitaires et cet élan de solidarité qui caractérisent l'hospitalité de la région, font oublier aux marcheurs, l'espace d'une halte, les difficultés et les péripéties de leur circuit pédestre. À noter que parmi les marcheurs, figurent deux enseignants blessés lors de la dernière manifestation organisée à Alger et qui a été violemment réprimée par la police. L'un d'eux est venu avec des béquilles, souffrant, visiblement, de fractures aux membres inférieurs, alors que Fella, une autre jeune enseignante, originaire de la wilaya de Boumerdès, a tenu à participer à cette marche en fauteuil roulant. C'est dire le courage et l'engagement de ces enseignants qui se montrent déterminés à aller jusqu'au bout de leur mouvement de protestation. "Nous ne sommes pas près de lâcher du lest. Nous allons poursuivre notre action et resterons mobilisés et unis jusqu'à satisfaction de notre principale revendication, à savoir l'intégration sans condition, le versement des arriérés de salaires qui remontent à 2014, le versement mensuel du salaire dans les délais et le rétablissement des différentes primes dans les salaires des enseignants contractuels, notamment la prime de la pédagogie, de l'encadrement et du rendement", nous a déclaré, hier, Bachir Saïdi, porte-parole des enseignants contractuels et membre de la délégation qui avait rencontré, la veille, Mme la ministre de l'Education nationale, Nouria Benghabrit. Selon notre interlocuteur, qui a rejoint, hier, les rangs de la manifestation aux côtés de ses camarades protestataires, le comité des enseignants contractuels et vacataires rejette catégoriquement les propositions de Mme Benghabrit qui leur a promis de négocier avec les responsables de la fonction publique à l'effet de trouver un moyen d'intégrer le critère d'ancienneté dans les conditions d'accès au concours de recrutement des enseignants, prévu fin avril prochain. Le bras de fer n'est, apparemment, pas près de connaître son épilogue. Enfin, il convient de signaler que les marcheurs devaient passer, hier, leur deuxième nuit, au lycée technique Aliane-Hamimi, dans la commune de Chorfa, dans la wilaya de Bouira. KAMAL OUHNIA