L'ancien garde des Sceaux de 1999 à 2002 sait de quoi il parle en confirmant aux Algériens ce qu'ils savaient déjà ! Alors qu'il ne trouvait pas matière à commenter le retour de Chakib Khelil en Algérie voilà qu'Ahmed Ouyahia emboîte le pas à son alter ego, Amar Saâdani de l'ex-parti unique, pour prendre la défense de l'ancien ministre de l'Energie et des Mines, en exclusivité, sur la chaîne de télévision parapublique d'Ennahar. Qu'a-t-il bien pu se passer pour que le secrétaire général par intérim du RND en vienne à monter au pinacle, à son tour, Chakib Khelil, accusé par la "vox populi" d'être l'un des plus grands voleurs de son temps ? Est-ce par une soudaine empathie que l'actuel directeur de cabinet de la présidence de la République a affiché son soutien car étant lui-même accusé de détenir, comme il l'a rappelé, un formidable "parc roulant" ? Quoi qu'il en soit, les propos de l'ancien ministre de la Justice et garde des Sceaux de 1999 à 2002 sont gravissimes. Et pour cause ! Ouyahia sait de quoi il parle quand il confirme ouvertement ce que tout le monde savait déjà : il n'y a jamais eu d'indépendance de la justice en Algérie ! Dans sa solidarité tardive avec Chakib Khelil, Ahmed Ouyahia a révélé que le procureur général d'Alger aurait obéi, dans le cas d'espèce, à des instructions provenant, semble-t-il, de la chancellerie, et ce, pour convoquer une conférence de presse et annoncer l'émission d'un mandat d'arrêt contre celui qu'il présente aujourd'hui, après des années de lynchage judiciaire et médiatique, comme un "grand commis de l'Etat" et une "compétence reconnue mondialement". Ouyahia ira même encore plus loin en appelant à réhabiliter tous les cadres de la Sonatrach, injustement inquiétés par la justice et, à l'entendre même, objet d'interventions grossières du pouvoir dont lui-même fait partie depuis au moins 20 ans. En bon contorsionniste, Ouyahia s'en prendra, une fois encore, à la presse et même à "la rue" qui, selon lui, salit les gens. Cet exercice inconfortable de l'ancien chef de gouvernement s'apparente, en toute vraisemblance, à une figure imposée. Car celui qui s'est taillé, à tort ou à raison, une réputation sulfureuse de "bourreau des cadres" est désormais persuadé de leur innocence. S'agit-il, ainsi, d'une nouvelle "sale besogne" que de vouloir blanchir aujourd'hui les cols blancs ? Sur ce plan, on ne peut pas dire qu'Ouyahia aura du pain sur la planche pour la simple raison qu'ils sont plutôt rares en Algérie les mis en cause pour corruption, délit d'initié, fuite de capitaux et autre blanchiment d'argent. Ces derniers continuent, hélas, comme chacun sait, à vaquer dans l'impunité à leurs lucratives occupations pendant que d'autres croupissent en prison pour avoir brisé l'omerta. Aussi, pour nombre d'observateurs qui, assurément, n'ont pas le quotient intellectuel d'une courgette, cette sortie d'Ouyahia relève plutôt de "l'instinct de survie" : "Il cherche seulement à sauver sa peau !", murmure-t-on. Mohamed-Chérif Lachichi