Quand, le 12 août 2013, le procureur général de la cour d'Alger, Belkacem Zeghmati, annonça solennellement le lancement d'un mandat d'arrêt international contre Chakib Khelil, on a cru que les autorités avaient décidé de punir les voleurs de deniers publics. Ce fut un grand moment d'espoir que justice allait être enfin faite sur ces séries noires de scandales de corruption à grande échelle. Mais depuis, on ne sait plus trop ce que fait la justice algérienne de ces sulfureux dossiers qui éclaboussent y compris des hauts responsables en fonction. On sait seulement que ce même mandat contre l'ex-ministre de l'Energie a été annulé quelques mois plus tard pour une sombre histoire de «vice de procédure» qui aurait rendu «impossible son application». L'argutie juridique invoquée a eu raison du souhait des Algériens de voir Khelil répondre de ses actes devant les tribunaux. L'homme le plus recherché d'Algérie ne l'est plus par la simple magie d'un mandat d'arrêt «mal écrit». On ne saura pas si cet homme, qui coule des jours heureux aux Etats-Unis, a véritablement les mains sales. Ou s'il est blanc comme le claironne Amar Saadani, ayant même intercédé auprès du ministre de la Justice d'alors, Mohamed Charfi, pour zapper le nom de Khelil de la liste des prévenus. Justement, Amar Saadani fait l'objet d'accusations récurrentes de détournements de fonds en devises, éventés par la presse. Bien que ces révélations soient étayées par des documents bancaires, la justice ne juge pas utile d'ouvrir une information judiciaire. Le chef du FLN a alors beau jeu de botter en touche à chaque fois en évoquant un insondable complot contre son parti comme s'il incarnait himself ce symbole de la Révolution. Le même constat vaut pour les scandales de l'autoroute Est-Ouest et de Sonatrach au sujet desquels nous ne savons pratiquement rien. Le ministre de la Justice, Tayeb Louh, se borne à lancer la litanie : «La justice suit son cours.» Une formule passe-partout qui inquiète plus qu'elle ne rassure. Elle rappelle les fameuses commissions d'enquête instituées pour étouffer les scandales mettant en cause des dignitaires du sérail. Un simple décompte de presse renseigne sur le caractère épidémique de la corruption en Algérie. Mais son ampleur est inversement proportionnelle au nombre d'enquêtes diligentées par la justice. Les Algériens ne croient plus en rien quand ils observent l'incroyable laxisme des autorités à faire payer les ripoux du régime. Ceci alors qu'un jeune délinquant coupable d'un larcin est jugé et condamné illico presto. La non-poursuite de Chakib Khelil est ainsi devenue proverbiale chez le commun des Algériens quand ils veulent se soustraire à rendre des comptes. Tout compte fait, à défaut de faire preuve d'exemplarité dans le traitement des dossiers de corruption, le pouvoir a imposé au pays la pratique de l'impunité et de l'omerta. C'est surtout cela la déliquescence de l'Etat et de ses institutions.