Résumé : Sonia ne s'entend pas avec son mari ; sous l'effet de la colère elle lui lance au visage un bol de lait et gifle leur enfant. Lorsque la douleur fut moins vive, l'enfant s'appuya au tronc d'arbre et pensa : "Je suis si heureux que papa ne l'ait pas vue me gifler !". Dans ses pensées se glissait un peu de pitié pour sa mère. Son père l'avait avertie que si elle recommençait à le frapper sur les oreilles, il lui en ferait autant. Et c'était ce qui l'avait fait. Il l'avait envoyé voler dans le coin de la cuisine où elle était restée étendue, exactement comme lui, chaque fois qu'elle le frappait, ce qui arrivait presque après chaque promenade avec son père. Il ne comprenait pas pourquoi elle était comme ça. Pourquoi elle était mauvaise ! Son père n'acceptait pas qu'il se plaigne d'elle. -C'est ta mère ! Un jour, elle se calmera ! Tu verras combien elle t'aime ! Cela l'attristait qu'elle soit aussi dure avec lui. Zaher adorait aller à l'école. Car, pendant quelques heures, il était tranquille et à l'abri de ses coups de colère. Si seulement sa mère les laissait en paix ! Un pigeon roucoula au-dessus de la tête de Zaher. Des oiseaux aussi chantaient. Un lapin détala derrière l'olivier, faisant sursauter l'enfant. Zaher grimpa à l'olivier et derrière le feuillage, il put observer sa mère prendre de larges planches. Elle avait aussi le seau rouge où étaient rassemblés des clous et un marteau. Elle ne perdait pas son temps. Déjà elle clouait avec énergie. Les bruits des coups de marteau sur le chambranle de la porte d'entrée lui parvenaient. Une fois cette tâche terminée, Kamélia resta dans la cour, très droite et cria : - Je t'ai dit que tu ne partiras pas... Au lieu de t'enterrer dans la maison, j'aurais peut-être mieux fait de t'envoyer sous terre ! Lorsque des bruits sourds lui parvinrent à nouveau, il comprit que c'était son père qui donnait des coups dans la serrure. Tout à coup, les bruits cessèrent faisant place au silence. Un bruit de verre brisé fit sursauter Zaher. Il y eut d'abord un grand fracas suivi de tintements semblables à des notes de piano. L'enfant vit son père, la tête la première, traverser la fenêtre de la cuisine et tomber les mains en avant sur l'herbe. Il retint sa respiration et regarda son père époussetant son complet bleu de travail et sa mère à quatre mètres de lui. Il s'en alla à pas lents, suivi des hurlements de sa femme : - Tu n'es pas un homme ! Un menteur que tu es ! Un traître ! Des gars se faisaient tuer pendant que ta mère te cachait dans le gourbi de son père ! Zaher appuya ses mains sur ses oreilles sans quitter son père des yeux, jusqu'à ce que sa silhouette devienne un point minuscule. Il se retrouvait seul face à sa mère, sans cœur. Et si son père ne revenait pas ? Et s'il repartait au Sud, cet endroit lointain de Sétif où les gens ont le cœur au bout des doigts et où ils ne se battent pas à longueur de journée. Pourquoi sa mère était comme ça ? Mais il y avait tellement de choses qu'il ne comprenait pas ! Toujours assis sur une branche de l'olivier, il regarda sa mère balayer les débris de verre et clouer une large planche, là où il n'y a plus de verre. De nouveau, l'angoisse serra son cœur. Et si son père ne revenait plus ? Il sentait qu'il allait mourir ! Ou plutôt mourir que de rester avec elle ! Lorsque Zaher était petit et qu'il avait commencé à aller à l'école, il ronchonnait tout le temps contre le long chemin qu'il avait à faire chaque jour à travers les champs pour y arriver, mais chaque fois que sa mère se mettait à hurler, il était heureux de vivre loin d'elle, n'était-ce que quelques heures. (À suivre) A. K.