Située dans un cirque de montagnes arides, la localité de Meghila a célébré, ce jeudi, son immortelle tradition consistant en une offrande populaire appelée Taâm Redjal Meghila. Cette contrée des Kraiches rassemble les tribus du Nord de Tiaret, sur les flancs sud-ouest de l'imposant Ouarsenis. Tout comme les autres tribus de la région, réunies autour d'une imparable unité socioculturelle, les populations trouvent en cette occasion l'aubaine de se distinguer en manifestant certaines spécificités tribales. Ainsi, la waâda annuelle des Kraiches ou des Redjal Meghila est une liturgie opportune pour étaler leurs valeurs spécifiques (le couscous, le baroud, la fantasia, les chants folkloriques, les récits du Saint Coran etc....). Les kraiches, initialement implantées dans le nord de la wilaya de Tiaret, occupent les espaces des communes de Sebt (ex-Raouraoua), Meghila(ex-Keria) et Maasam dans la wilaya de Tissemsilt, mais leur présence humaine est aussi observée dans les communes avoisinantes notamment à Sid-Hosni, Dahmouni, Oued-Lili, et surtout au chef-lieu Tiaret. Les Kraiches est une fraction des Hilaliens, les Bani-Ameur qui ont parcouru et habité les espaces géographiques et ont pris part à l'ensemble des actifs qu'a connu l'ouest algérien depuis des lustres, voire les temps très anciens remontant, au moins, à la première moitié du VIIIe siècle de l'hégire. Dans la lignée généalogique, les Kraiches sont des descendants de l'aïeul Kraich Ben Abad Ibn Manie Ibn Yacoub Ibn Ameur Ibn Zaghba,Ibn Nahiq ,Ibn Hillal Ibn Ameur, qui s'est installé dans la région après la conquête de la région Sersou-Ouarsenis par Abou Hamou Moussa Ezziani, vers les débuts du 8e siècle, qui s'est appuyé sur les Kraiches qui formaient les contingents de son armée. Les traces anthropologiques définissent le rapprochement des Kraiches avec les Zianides. A titre d'exemple, on cite la localité de Ammi Moussa (dans la wilaya de Relizane), appelée autrefois Kasr Abi Hamou Moussa , le djebel dominant en position défensive de Sidi Hamou, situé entre les localités de Sebt et Mallaab, indiqués comme points de contrôle des accès de la partie ouest de l'Ouarsenis . Le lieudit Khandaq Youcef dans la commune de Sebt, a été, selon les historiens, le théâtre d'une bataille livrée par Youcef Ibn Abou Hamou Moussa en 777 . Sur le volet archéologique, le lieudit Kherbet Eziayna dans la commune de Meghila recèle des vestiges appartenant aux Zianides. L'histoire de la région est plus que millénaire puisqu'elle présente des traces imposantes de la préhistoire, matérialisées par les vestiges encore présentes des Ibéromaurusiens dont le type physique assez bien connu à la découverte de l'homme de Mechta Larbi avait pour domaine la région de Sid Hosni à un jet de pierre d'un site abritant des dolmens. Néanmoins, cette région n'a pas échappé à la présence romaine, d'où les ruines de garnisons érigées pour contrôler les routes commerciales dans le Maghreb central, comme Qalaât el Gattar dans la commune de Meghila, Kherbat des Aouisset dans la commune de Dahmouni, à la limite de Sid Hosni, et Kherba à Sebt. La région a connu aussi l'influence des Etats musulmans respectifs, dont les Rostomides, les Zianides, les Hammadites. Durant l'ère ottomane, cette région se distinguait par son plus grand marché du beylik de l'Ouest (Souk Ellouha), notamment à l'époque où Oran était sous domination espagnole quand les caravanes affluaient sur le souk à partir des contrées lointaines, voire des Chaânba, des Saïd Otba, des Mekhadma, des Larbaâ, des Ouled Yacoub et des Zerrara. Pour revenir à l'époque coloniale, autant souligner que la région a vécu toutes les insurrections et révolutions armées, notamment celle de l'Emir Abdelkader qui disposait d'une importante armée formée de diverses tribus, dont les Kraiches avec 200 cavaliers et 400 fantassins dirigés par Ould Kaddour Laâma et ce, à l'instar de Cheikk Boumaaza qui activait dans cette partie de Tiaret. La waâda des Kraiches a été caractérisée par des moments festifs où se sont conjugués les jeux de la fantasia, des récits du Coran et des chants traditionnels de la région ainsi que des offrandes festives auxquelles ont pris part de nombreux invités venus de plusieurs régions du pays. R. SALEM