C'est le P-DG d'El-Aurassi qui est intervenu, en personne, pour interrompre une prise de parole du patron du groupe Cevital, à l'issue de la cérémonie de signature d'un contrat avec un partenaire britannique invité au forum. Empêché, sans aucune explication, par le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb, de prendre part au Forum d'affaires algéro-britannique, ouvert hier à l'hôtel El-Aurassi d'Alger, le capitaine de l'industrie nationale, Issad Rebrab, a néanmoins surpris tout le monde par son déplacement au même hôtel pour la signature, dans le même cadre, d'un contrat entre son groupe et le groupe britannique Clark Energy. Il a tellement surpris qu'il a été ensuite violemment empêché par le premier responsable de l'hôtel, en l'occurrence le P-DG Abdelkader Lamri, de terminer un point de presse qu'il avait entamé juste après la signature de ce contrat. Accompagné de quelques-uns de ses subalternes, notamment le directeur commercial et le chef de sécurité, M. Lamri, certainement sur injonction, a fait irruption dans le restaurant situé au même niveau, (E), de l'hôtel où se tenait dans le même temps le forum, pour intimer l'ordre, de manière très peu respectueuse et très peu élégante, à M. Rebrab d'arrêter de "faire une conférence dans un restaurant !". Se présentant plutôt dans la peau d'un barbouse, M. Lamri a, malgré le calme affiché par M. Rebrab, vite perdu son sang-froid pour hausser le ton contre celui-là même qui, se rappelle le personnel de l'hôtel, figurait, jusque-là, parmi les meilleurs clients d'El-Aurassi. Un comportement, pour le moins, indigne d'un responsable respectable de cet établissement étoilé. "Ce n'est pas ici qu'on tient des conférences de presse M. Rebrab. Si vous voulez parler à la presse, allez dans un autre lieu et faites votre conférence", recommande le patron de l'hôtel en ajoutant à l'endroit d'Issad Rebrab : "Je vous respecte, mais ce n'est pas comme ça". Face à ce discours discourtois, M. Rebrab est resté de marbre avant d'inviter, en gentleman, et ses partenaires britanniques et les représentants des médias présents à passer à table pour déjeuner calmement. Imperturbable, le patron de Cevital a vite compris que le comportement du premier responsable d'El-Aurassi et ses subalternes répondait, en fait, à des injonctions venant d'en haut, plus exactement du ministre de l'Industrie et des Mines, qui avait déjà, la veille, saisi, via le secrétaire général du ministère, l'ambassadeur du Royaume-Uni à Alger, Son Excellence M. Andrew Noble, pour interdire à M. Rebrab de participer à ce forum d'affaires. Un empêchement dont M. Rebrab était déjà informé la veille de la bouche même de l'ambassadeur qui l'avait reçu. Bouchouareb, unique responsable du conflit "J'ai été reçu, hier, (avant-hier, Ndlr), par Monsieur l'ambassadeur en présence du ministre du Budget et du représentant du Premier ministre britanniques et il m'avait alors expliqué, choqué, qu'il venait d'être saisi par le secrétaire général du ministère de l'Industrie et des Mines pour exiger de lui de m'exclure de ce forum", a souligné M. Rebrab, lors de son point de presse interrompu. "Il m'a appris qu'il a été touché par le secrétaire général du ministère de l'Industrie pour lui dire qu'il est hors de question que Cevital participe au forum, qu'il est hors de question que le logo du groupe figure au niveau de ce forum. Alors que nous avions prévu la signature d'un contrat avec une des très grandes sociétés britanniques chez qui nous avions acquis, auparavant, des centrales électriques", a-t-il précisé. "Ecoutez M. Rebrab, on a un problème ! Le ministère de l'Industrie craint un problème concernant votre participation", lui a dit, relaye-t-il encore, l'ambassadeur dans le détail. Réponse de M. Rebrab : "Mais, Excellence, on a payé à votre agence de communication le sponsoring et vous nous aviez sollicités et nous avions répondu favorablement. Maintenant, c'est à vous de régler le problème avec notre ministre de l'Industrie." M. Rebrab aime parler du ministre et non pas du ministère, encore moins du gouvernement, parce qu'il est persuadé que ce conflit est intimement lié à la personne d'Abdeslam Bouchouarab. Soit ce même ministre qui était déjà derrière le blocage de certains projets du groupe Cevital. Passons. Dans sa réplique, l'ambassadeur lui a, souligne-t-il, promis "d'essayer de nouveau" de convaincre M. Bouchouareb pour permettre au groupe Cevital de participer au forum. L'ambassadeur n'a pas manqué d'exprimer sa reconnaissance à la prestation de M. Rebrab et de son groupe industriel lors de la première édition de ce Forum d'affaires tenue à Londres en décembre 2014. "Je vais essayer de le (ministre) convaincre pour vous permettre de vous exprimer à la plénière comme vous l'avez si bien fait à Londres", lui a-t-il, exactement, dit. Les Anglais "choqués" ! M. Rebrab aura vu des "interlocuteurs choqués" par cette éviction, pour le moins, non productive pour l'économie nationale. Le groupe Cevital avait, rappelle M. Rebrab, déjà sponsorisé la 1re édition dudit forum et participé en tant qu'acteur majeur. "Je suis l'auteur de l'idée de lancer ce forum, en 2014. Ceci, sans parler de mon intervention en plénière qui était bien appréciée", se rappelle-t-il modestement. Le comble, c'est que le groupe Cevital avait pris attache, trois mois auparavant, avec la société britannique DMA dans l'optique de sponsoriser cette deuxième édition du Forum d'affaires algéro-britannique. "Il y a trois mois, ma directrice en communication a reçu une demande de sponsoring de la société DMA chargée de l'organisation de ce forum. Evidemment, nous avons répondu par l'affirmative. Et puis, 15 jours après, le directeur de cette agence de communication nous dit : ‘Ecoutez, le ministre de l'Industrie refuse que vous nous sponsorisiez et nous demande de vous rembourser le sponsoring et que votre logo ne figure pas sur les affiches au niveau de ce Forum'", raconte, dépité, le patron du premier groupe privé en Algérie. En effet, la société britannique DMA, chargée de l'organisation du sponsoring, a adressé une lettre datée du 6 mai dernier, dont on détient une copie, à la direction de Cevital pour lui faire part de son regret de devoir rejeter le sponsoring de ce dernier à ce forum auquel s'oppose le ministre de l'Industrie et des Mines. Dans cette lettre, les responsables de la boîte DMA ont, en effet, précisé à la direction de Cevital qu'ils venaient d'être contactés par l'ambassadeur M. Andrew Noble, pour les informer que, lors d'un entretien téléphonique, Abdeslam Bouchouareb lui a signifié qu'il ne voulait pas de la présence de Rebrab au forum. Un refus qui n'est d'ailleurs pas du goût des responsables de DMA lesquels, comme écrit dans leur lettre, ont souhaité la participation de Cevital : "Plus grand groupe privé en Algérie, plus grand embaucheur et exemple le plus pertinent pour projeter une image de diversification aux investisseurs britanniques (...)". Farid Abdeladim