Colère sur l'épicentre La ville est déserte. À 19h30, nous arrivons au stade communal. Un stade qui aurait pu être occupé pour les soirées ramadhanesques. Hélas ! Ici, encore une fois, seuls les éléments de la Protection civile veillent à la surveillance médicale, l'approvisionnement en eau potable et l'électricité sur les 80 familles installées dans ce camp de fortune. Un habitant raconte : "Des dizaine de familles ont fui Mihoub. Nous vivons sous le stress. Nous sommes toujours sous le choc et personne ne vient à notre secours." Rahiche Lakhdar, la soixantaine, estime que "l'Etat doit attribuer une tente pour chaque famille. On ne peut pas vivre dans des tentes collectives. Depuis hier, nous avons ressenti 6 répliques. Nos tentes doivent être installées devant nos domiciles pour éviter les vols. On doit veiller sur nos femmes et nos enfants. Faites passer le message, car personne n'est à notre secours dans cette bourgade perdue". Son voisin, Guendouz Slimane, témoigne : "La scolarité de nos enfants est perdue. Les écoles, les CEM, le lycée et la polyclinique sont en ruine. Tout est fermé. Que reste-t-il ?" Et d'ajouter : "L'Etat doit prendre en charge l'état psychologique des habitants. Les murs sont faciles à refaire, mais pas l'état d'esprit d'un individu. Il faut le dire aux responsables, nous n'avons que la Protection civile qui vit avec nous de jour comme de nuit. Nous partageons avec eux nos colères et nos préoccupations. Ils font ce qu'ils peuvent et nous sommes reconnaissants envers eux." Leur voisin, la quarantaine, quant à lui, dénonce certains mercenaires. "Comment, s'interroge-t-il, des habitants, ayant bénéficié de l'aide à l'habitat rural, reviennent du jour au lendemain vers Mihoub et ont bénéficié d'autres aides car leurs habitations en argile sont détruites par le séisme alors qu'ils ont quitté les lieux depuis plus de 10 ans ?" Notre interlocuteur ne s'arrête pas là et accuse : "J'interpelle les membres du CTC (contrôle technique des constructions) à revoir les classements. Venez voir ma maison et dites-moi si les murs tiennent encore ! Un membre du CTC m'a invité à reprendre vie dans cette maison qui vibre toute seule. Quand je l'ai invité à y rester seul quelque temps, il a fermé la porte et a quitté les lieux." Au village agricole El-Qaria, toutes seules 5 familles résistent encore aux répliques. Les autres ont déserté les lieux depuis le troisième jour. "On jeûne difficilement. À peine la chorba consommée que nous renouons avec les répliques. On ne dort plus. Nous sommes épuisés. Au fond de nous-mêmes, on sait que notre jeûne n'est pas accompli selon les préceptes de l'islam. On n'a pas la paix dans l'âme. Ma famille est dans une tente et moi je surveille la maison et je passe la nuit à la belle étoile. On ne peut pas vivre loin de nos familles !", raconte un jeune homme, visiblement exténué par les longues nuits de Mihoub. Il est 20h04, c'est l'heure de la rupture du jeûne à Mihoub. Les trois principales mosquées fissurées et fermées à titre préventif, les habitants de Mihoub font leurs prières, chacun sa manière, pour que la nuit soit aussi courte que possible. Avec moins de répliques. Dehors, les habitants se recroquevillent contre les murs fissurés en attendant de meilleurs jours. Reportage réalisé à Mihoub (Médéa) par : FARID BELGACEM