Dans un rapport rendu public à l'occasion du sommet d'hier de l'ONU sur les migrations et les réfugiés, l'OCDE appelle les gouvernements à sortir des discours "abstraits" pour contrer le populisme. Près de cinq millions, exactement 4,8 millions, de personnes ont immigré dans les pays les plus industrialisés en 2015, indique un rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publié hier. Selon ce document, les arrivées de migrants ont augmenté de 10% en 2015 dans les pays développés, et les demandeurs d'asile ont représenté 1,65 million de personnes, dont "environ 1,3 million" en Europe. C'est un afflux record, qui a nourri la poussée de partis d'extrême droite en Autriche, en Allemagne, en France ou encore en Hongrie. Pour lutter contre les crispations croissantes de leurs opinions publiques, l'OCDE appelle les gouvernements de ces pays à sortir des discours "abstraits". Exploitant les peurs que génèrent ces flux migratoires, le candidat républicain à la Maison-Blanche, Donald Trump, opte lui aussi pour un discours tout aussi extrémiste et promet de construire un mur à la frontière avec le Mexique et d'expulser une grande partie des sans-papiers. Face à cette situation, Stefano Scarpetta, le directeur de l'emploi, du travail et des affaires sociales à l'OCDE, regrette en introduction du rapport que "la confiance des citoyens dans la capacité de leur gouvernement à gérer les migrations tend à s'effriter", et que dans de nombreux pays "une part croissante de la population adhère aux discours extrêmes rejetant l'immigration". Il estime également que les études montrant "les effets positifs à moyen et long termes" des migrations sur l'économie restent des arguments "abstraits", qui ne font que "prêcher des convaincus", et le message "ne porte pas". Dans la liste élaborée par l'OCDE des inquiétudes de l'opinion publique, il est mis l'accent sur les migrations hors de contrôle, qui ne profiteraient qu'aux riches, aggravant la pression sur les services au niveau local "au détriment des populations déjà installées". À ce sujet, l'organisation souligne que les études se sont surtout intéressées à l'échelon national, "bien que l'impact soit principalement ressenti au niveau local". Stefano Scarpetta estime qu'il faut reconnaître que "l'impact de la migration n'est pas le même pour tout le monde", car selon lui les immigrés se concentrent presque toujours dans des régions "souvent les plus défavorisées", où ils peuvent concurrencer la main-d'œuvre locale peu qualifiée. Ensuite parce qu'ils utilisent les services publics. Transports, écoles, "les infrastructures locales peuvent être mises sous pression par des flux importants", reconnaît aussi l'OCDE. À partir de ce constat, l'auteur du rapport martèle que c'est pourquoi "les gouvernements doivent trouver de meilleurs arguments, plus tangibles, afin de contrer les voix anti-immigration". Sans quoi "à terme, cela ne ferait qu'encourager le populisme, déjà très véhément", précise-t-il, avant d'ajouter qu'il faut notamment veiller à ce que les employeurs n'embauchent pas au noir ces migrants. De son côté, le chef du département "Migrations" à l'OCDE, Jean-Christophe Dumont, plaide pour "écouter les préoccupations des gens (...) expliquer quelles dynamiques la migration peut amener", pour la survie des classes dans les écoles ou la création d'emplois par exemple. D'après lui, certains pays l'ont bien compris, comme l'Allemagne qui a développé "une approche collective de la question", ou encore le Canada où "tout un effort est fait en amont dans les communautés pour anticiper l'accueil des migrants". Merzak Tigrine