Alors que les autorités égyptiennes pensaient qu'elles étaient assurées de ne pas tomber dans le besoin en matière de produits énergétiques suite aux promesses saoudiennes de les alimenter régulièrement en carburants, l'Arabie saoudite a vite fait d'ébranler cette assurance. Le Caire a dû déchanter très vite, comme en atteste l'avis d'appel d'offres international pour en acheter. La goutte qui a fait déborder le vase aura été le vote au Conseil de sécurité de l'ONU par l'Egypte en faveur de la résolution russe sur le conflit syrien. En soutenant le projet de résolution russe au Conseil de sécurité demandant notamment le départ des membres du front Fateh al-Cham de l'est d'Alep, que l'Arabie saoudite considère comme faisant partie de l'opposition acceptable, Le Caire a mis en colère Riyad, qui a estimé avoir été poignardé dans le dos par le pouvoir égyptien. Il faut croire que les Russes ont réussi à se mettre le pouvoir égyptien dans la poche par le biais des accords de vente d'armes, négociés en marge du Salon de l'armement de Moscou en 2014, lorsque Abdel Fattah al-Sissi était le ministre de la défense du président islamiste Mohamed Morsi, dont il préparait la destitution en douce. Le montant de ces accords signés en avril 2015 est estimé à près de 3,5 milliards de dollars US, dont 2 milliards de dollars pour la livraison à l'Egypte de 46 Mig 29M. Mais, il faut remonter dans le temps pour retrouver la véritable raison de ce désaccord saoudo-égyptien, et qui n'est que l'histoire de la rétrocession par le régime d'Abdel Fattah al-Sissi de deux îles égyptiennes situées à l'entrée du golfe d'Aqaba en mer Rouge à l'Arabie saoudite. L'on se rappelle que beaucoup d'Egyptiens avaient, en effet, mené campagne, par des manifestations et sur les médias sociaux, contre cette décision du gouvernement égyptien. La répression lancée par les forces du régime Al-Sissi contre les contestataires, qui s'est traduite par l'arrestation d'environ un millier de personnes, n'a pas empêché des échanges acerbes dans les médias des deux pays. Il y a même eu une décision de la justice égyptienne annulant la rétrocession des deux îles, au grand dam de Riyad. L'affaire est actuellement au niveau de la Haute cour administrative égyptienne, qui doit se prononcer après un arrêt du tribunal des référés, qui a remis en cause le premier verdict. Ceci étant, les divergences entre les deux pays ne s'arrêtent pas à ce stade, puisqu'elles s'étendent aussi à la question iranienne. Si l'Iran constitue l'ennemi numéro un de l'Arabie saoudite, l'Egypte ne voit pas de la même manière la menace iranienne. Il est donc clair que ce ne sont pas les sujets de discorde qui manquent entre les Saoudiens et les Egyptiens, bien que les deux parties s'attellent à en minimiser l'importance et l'impact sur leurs rapports bilatéraux. Merzak Tigrine