Accueilli en sauveur de la République des mains des Frères musulmans, après avoir destitué son prédécesseur, Mohamed Morsi, en juillet 2013, le président Abdel Fattah al-Sissi est aujourd'hui aussi impopulaire que l'ancien chef d'Etat Hosni Moubarak, chassé par une révolte populaire du pouvoir en 2011. La gestion d'une main de fer des affaires de l'Etat par le maréchal Abdel Fattah al-Sissi, qui se traduit par une répression féroce de la société civile, ramène l'Egypte à l'ère de la dictature, sous ses prédécesseurs Gamal Abdel-Nasser et Mohamed Hosni Moubarak. Il se targue d'être "le dernier rempart contre les djihadistes en Egypte", en proie à de nombreux attentats revendiqués par la branche égyptienne de l'Etat islamique, pour justifier cette farouche répression. Mais la réalité est tout autre sur le terrain. Ce que dénonce par la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), Amnesty international et Human Rights Watch (HRW), qui ont choisi l'occasion de la visite de François Hollande au Caire pour s'élever contre le silence assourdissant de la France sur la gravité de la répression contre la société civile, au prix d'une augmentation vertigineuse de la pratique de la torture, des incarcérations abusives, des disparitions forcées et des violences. Donc, c'est le soutien des capitales occidentales, dont celui de Paris, qui se fait en échange de la conclusion de marchés, qui permet à Abdel Fattah al-Sissi d'imposer sa dictature au peuple égyptien. Le président français, dont l'entourage avait assuré que les droits de l'homme seraient évoqués de manière discrète et efficace lors de cette visite, a dû en parler publiquement lors de la conférence de presse conjointe avec son homologue égyptien dans le but d'atténuer les critiques. En effet, la conférence de presse a tourné pratiquement autour de ce sujet gênant pour al-Sissi, visiblement irrité par les questions de journalistes français, contrariant également François Hollande, qui s'est rendu en Egypte affirmer son soutien au Raïs, et signer près d'une vingtaine de contrats ou de protocoles d'entente dans les transports urbains et les énergies renouvelables. Lutter contre le terrorisme suppose de la fermeté mais aussi un Etat, et un Etat de droit, c'est le sens de ce que la France évoque quand elle parle des droits de l'homme. "Les droits de l'homme, ce n'est pas une contrainte, c'est aussi une façon de lutter contre le terrorisme", a-t-il déclaré. En dépit de toute cette gymnastique de François Hollande pour épargner son hôte, les Egyptiens ont compris leur douleur comme le montrent si bien les manifestations qui ont suivi la récente visite du roi saoudien Salmane. De nombreuses villes égyptiennes ont été le théâtre de rassemblements pour exprimer le rejet de la politique du gouvernement al-Sissi avec à la base la contestation de sa décision de céder à l'Arabie Saoudite deux îles égyptiennes situées sur la mer Rouge en échange de toutes les largesses de Riyad en faveur du Caire en contrepartie d'un alignement sur les positions saoudiennes dans tous les domaines. Reste à savoir jusqu'à quand les capitales occidentales poursuivront leur soutien à un régime devenu totalitaire, alors que la raison de son arrivée au pouvoir était d'empêcher le totalitarisme islamiste de son prédécesseur ? Merzak Tigrine