L'urgence était d'apaiser le plus rapidement possible la colère populaire. La bavure ayant coûté la vie à un poissonnier tentant de sauver sa marchandise, a bouleversé le Maroc, où les autorités ont réagi au quart de tour à l'image du souverain alaouite, qui a annulé sa visite officielle en Ethiopie, pour rentrer à Rabat et prendre en main la situation. Hier, ce fut au tour de la justice marocaine d'agir en présentant devant le juge onze personnes : "Pour faux en écriture publique et homicide involontaire suite au décès de Mouhcine Fikri", sur décision du procureur général du roi à Al-Hoceima. Il fallait coûte que coûte que cette affaire, que d'aucuns n'ont pas hésité à comparer à celle du Tunisien "Bouazizi", qui a provoqué la chute du régime de Zine Al-Abidine Benali, soit étouffée dans l'œuf tant la colère populaire a atteint son paroxysme. Pas plus tard que lundi soir, Al-Hoceima a vu un rassemblement de recueillement se transformer en un marche de protestation, qui a sillonné les principales artères de la ville tard dans la nuit brandissant des slogans contre l'arbitraire et la "hogra". Face à cette colère populaire, qui avait touché plusieurs autres villes marocaines la veille, l'urgence était de l'apaiser le plus rapidement possible, d'où les annonces hier de la justice marocaine d'écrouer onze personnes ayant un lien avec l'affaire. Le communiqué du procureur du roi, repris par l'agence de presse MAP, a indiqué que parmi elles figurent "deux agents d'autorité, le délégué de la pêche maritime, le chef de service de la délégation de la pêche maritime et le médecin-chef du service de la médecine vétérinaire". La même source a souligné que "la décision de déférer ces 11 individus fait suite à la réception du procès-verbal de l'enquête, dans lequel plus de 20 personnes ont été auditionnées, et contenant les résultats de plusieurs constations et confrontations". L'enquête menée par la police judiciaire marocaine a établi que le conducteur du camion dans la cabine avait "reçu un signal d'un ouvrier de la société (de ramassage des ordures) d'alimenter la benne-tasseuse en électricité" alors que Mouhcine Fikri était monté avec plusieurs personnes à l'arrière de la benne "pour empêcher que les poissons n'y soient chargés". "La benne-tasseuse s'est alors mise en marche (...) provoquant ainsi la mort" de la victime. L'enquête n'a révélé "aucun ordre d'agression de la victime par une partie quelconque", et le parquet a estimé que "les actes commis revêtent le caractère d'un homicide involontaire". L'impact de cette affaire a même dépassé les frontières marocaines, en témoigne cette déclaration du porte-parole de Ban Ki-moon, Stéphane Dujarric, lequel a affirmé lundi lors de son point de son presse quotidien, que l'ONU suivait la situation de près au Maroc, où une vague de contestations s'est propagée dans tout le pays après la mort tragique d'un vendeur de poisson, broyé par une benne à ordures. Merzak Tigrine