Plus qu'un simple coup de gueule mal placé et inintelligemment ajusté, l'outrage langagier fait par Sofiane Feghouli à ses aînés des différentes sélections nationales qu'a connues l'Algérie révèle aussi bien une méconnaissance pénalisante qu'une schizophrénie aveuglante. Car, dire qu'hormis Rabah Madjer, aucun footballeur algérien n'a réussi, en carrière, ce qu'ont réussi 90% de ses actuels coéquipiers est un grave déni de l'histoire. S'il pense réellement ce qu'il dit, Sofiane Feghouli souffre assurément d'une incompréhensible méconnaissance de l'histoire de "son" pays, qu'il soit d'origine comme l'Algérie ou adoptif comme la France. Prononcer les simples noms de Abdelaziz Bentifour, Mustapha Zitouni, Rachid Mekhloufi, Omar Betrouni, Ali Bencheikh, Lakhdar Belloumi, Mustapha Dahleb, Chaâbane Merezkane, Ali Fergani, Abdelhafid Tasfaout ou encore Moussa Saïb, Dziri Bilel et Mahieddine Meftah équivaudrait à citer, sommairement, quelques-uns des plus grands du continent africain, avec un palmarès long comme le bras. Et s'il faut rappeler à Feghouli que Bentifour et Mehkloufi totalisent, à eux seuls, huit titres majeurs en France entre championnats et coupes, eh bien rappelons-le, pardi ! Comme il serait bon de lui indiquer que Mahieddine Meftah totalise pas moins de dix-huit titres. Comparé au zéro pointé de Feghouli, cela fait beaucoup ! Quand bien même ce dernier jouerait en Espagne, à Valence, où deux enfants de l'Algérie profonde, l'un venant de Theniet El-Had, nommé Saïb, l'autre de Hussein Dey, nommé Madjer, l'avaient précédés ! Connaît-il Zitouni, Dahleb, Belloumi ? Au fait, Feghouli connaît-il Kader Firoud grâce auquel Nîmes a connu son âge d'or et Montpellier l'élite française ? Sait-il quelque chose de l'immense Mustapha Dahleb ? S'est-il renseigné sur les Oudjani père et fils ? Reconnaîtra-t-il l'inégalable Mahi Khenane s'il venait à le croiser ? Autant de questions auxquelles l'on devine d'ores et déjà les réponses. Autant que l'on est désormais certain que le même Feghouli ignore tout de la valeur marchande du légendaire Mustapha Zitouni que Santiago Bernabeu et Alfredo Di Stefano voulaient à tout prix au Real Madrid. "Ils lui ont proposé 50 millions de FF. Di Stefano lui a dit ‘'rejoins-nous dans le meilleur club du monde''. Mustapha, Allah yerrahmou, lui a rétorqué : ‘'je joue déjà dans la meilleure équipe du monde''", se remémoraient, dans ces mêmes colonnes, ses compagnons de route et frères d'armes, Rachid Mekhloufi et Amar Rouaï voilà quelques années déjà. Et si Feghouli avait axé son argumentaire sur sa seule participation à un Mondial, les archives lui apprendront que Bentifour l'avait déjà joué en 1954 et que Mekhloufi et Zitouni l'avaient snobé en 1958 par amour pour la mère-patrie, l'Algérie, et son porte-drapeau sportif, l'équipe du FLN. Les multiples coupes d'Afrique interclubs remportées par nos internationaux des années 70, 80, 90, 2000 et 2010 que ce soit en Algérie ou ailleurs comme l'avaient fait Megharia (avec le Club Africain) ou Bilel Dziri (avec l'Etoile du Sahel) témoignent, encore, des exploits et réussites de ceux qui l'ont précédé sous le maillot vert. Lui rappeler le génie de Lakhdar Belloumi, Ballon d'or africain à seulement 23 ans alors qu'il jouait sur du tuf à Mascara et classé parmi les 15 meilleurs joueurs de la planète, comme en atteste sa sélection le 9 août 1982 à New York, équivaudrait à défoncer une porte ouverte. Dès lors, en attendant d'écrire une simple petite ligne à son palmarès, d'être nominé pour un award africain ou, encore plus terre à terre, de trouver un peu de temps de jeu à West Ham où il a joué une minute samedi, Sofiane Feghouli gagnerait énormément à lire. À apprendre. À mieux connaître l'histoire de "son" pays... R. B.