La présidente de cette association a lancé ces 5 dernières années des expériences de culture de plantes rares en Algérie, s'appuyant sur ses seuls moyens. Qui dit "femmes rurales" pense aussitôt aux travaux traditionnels de couture, de tricot, tissage et autres poteries, regroupant des femmes, faisant occasionnellement leurs petites expositions dans des maisons de jeunes, sans grande visibilité. Autant de clichés qui ont la peau dure, et lorsque l'on discute avec la présidente de l'association de la femme rurale Main dans la main, Mme Baba Ahmed, cela saute aux yeux. Non pas que réaliser des produits artisanaux et transmettre un savoir-faire traditionnel serait quelque chose de dévalorisant, mais parce qu'une autre dimension est possible dans l'entrepreneuriat agricole et l'innovation. Et pour cause, la présidente de cette association a lancé ces 5 dernières années des expériences de cultures de plantes rares en Algérie, s'appuyant sur ses seuls moyens, son envie de faire bouger les choses et de prouver que "c'est possible en tant que femme rurale". Ainsi, cette dernière est la première femme à avoir lancé la culture du safran à Oran. Depuis 4 ans en effet ce sont quelque 200 m2 seulement de culture de safran, qui ont été développés à la ferme Djalti-Tahar à Aïn Baïda, à l'ouest d'Oran. Le choix du site s'est imposé, car dans cette zone, il a été constaté que les bulbes de safran poussaient à l'état sauvage, et donc cela signifiait que le climat et les sols pouvaient permettre de cultiver du safran. Notre interlocutrice explique encore qu'elle a pu, par des contacts personnels, se procurer 500 bulbes de safran et qu'elle en a planté dans la ferme, avec au bout de 4 ans une petite récolte de safran. Des petites mains de femmes rurales, ayant donné lieu à l'expérimentation de safran et dont la fleur à Aïn Baïda offre 6 pétales et une petite récolte. Il faut savoir que sur les marchés mondiaux 1 g de safran coûte 1600 euros, d'où son appellation d'or rouge. Malheureusement, cette culture de safran reste à l'état expérimental à Oran, en l'absence d'appuis et d'encouragements, relate notre interlocutrice. Dans d'autres wilayas, le choix a été fait d'encourager cette culture ayant donné une autre dimension aujourd'hui. Mais son désespoir ne s'arrête pas là, puisque la ferme Djalti-Tahar est appelée à disparaître. Une expropriation devrait avoir lieu pour l'implantation de la nouvelle ville, soit des milliers de logements en place de terres agricoles une fois encore. Ne baissant pas les bras, la présidente de l'association s'est lancé d'autres défis qui ont réussi, comme la culture du moringa, une espèce de petits arbres originaires de l'Inde, mais présents aussi au Sahel et qui sont connus pour leurs vertus médicinales. La tradition hindoue veut que le moringa guérisse près de 300 maladies ; il contient plus de protéines et de calcium que le lait. La dernière expérience agricole de l'association et de sa présidente, c'est l'introduction de la culture du pleurote gris, qui est un champignon très prisé et inexistant en Algérie. Mais le problème c'est que ces expérimentations restent bloquées à ce stade, n'interpellant aucun décideur et responsable local, comme si être femme rurale et agricultrice étaient définitivement une tare ou une gêne. La présidente de l'association met en plus le doigt sur un problème de fond, impliquant la survie des millions d'Algériens, car l'intérêt de ces expériences d'introduction de variétés de plants montre l'urgence de constituer une banque de semences dans notre pays, selon les normes requises. D. LOUKIL