Qui a tué El-Achiq, ce jeune espoir de la chanson constantinoise, connu pour être un homme "lisse" sans histoire ? Les autorités coloniales, par le biais de la préfecture et de ses agents, décident de mener l'enquête, et le Front de libération nationale est le premier suspect de ce meurtre. Nous sommes en 1958, dans un pays en guerre, à la veille de la visite de De Gaulle. La ville de Constantine vient d'être frappée par une horrible nouvelle : celle de l'assassinat du musicien Mohamed Salah Benmessebah. Retrouvé gisant dans une mare de sang sous un pont, la nouvelle se répand rapidement, et tout le monde aimerait élucider ce meurtre, notamment les Algériens et la communauté française qui l'appréciaient. Cette intrigue constitue la toile de fond du nouveau long-métrage du réalisateur Amar Sifodil, qui a été projeté en avant-première dans la soirée de samedi, à la salle Ibn Zeydoun de l'Oref. El-Achiq a été réalisé dans le cadre de la manifestation "Constantine, capitale de la culture arabe 2015", en collaboration avec le Centre algérien de développement du cinéma (CADC), ainsi que Issam Prod. Tirée d'un scénario de l'historien Abdelmadjid Merdaci, cette fiction de 90 minutes plonge le spectateur dans une enquête criminelle des plus complexes : pour quelle raison El-Achiq a été assassiné ? Pour résoudre cette affaire, un policier algérien à la retraite, M. Khodja (campé par le comédien Aziz Boukerouni), décide de retrouver les auteurs de cet homicide. Sur les traces du tueur, il apprend que ce jeune chanteur de musique malouf était un "ami de la France", et qu'il aurait pu être réellement tué par le FLN. Si l'idée du scénario démarre d'une belle et intéressante idée, puisqu'elle est inspirée d'une photographie datant de 1960 et retrouvée par le scénariste en 1962, comme l'a signalé le producteur exécutif lors de la conférence de presse à l'issue de la projection, la mise en image n'a pas été totalement une réussite, puisque les scènes se succèdent mais ne renseignent pas davantage le spectateur. Toutefois, la valeur cinématographique du film est à souligner, puisqu'il apparaît évident que le réalisateur est avant tout un cinéphile, suggérant (ou affichant clairement) ainsi par certaines scènes son amour pour le cinéma et sa bienveillance envers ses personnages. Amar Sifodil a saisi la complexité du personnage incarné par Aziz Boukrouni et l'a transmise à l'écran. Si on reste sur un goût d'inachevé du point de vue du scénario, il semblerait également que le film a été tourné avec peu de moyens, et d'ailleurs le producteur l'a indiqué lors du débat. Cependant, le long-métrage a été sauvé par de très bons plans. Quant à la reconstitution de la ville, des cafés, des maisons et des costumes, El-Achiq n'a rien à envier aux grandes productions. En outre, cette fiction dramatique tombe à un certain moment dans le comique à l'exemple du policier Khodja, qui insiste sur "sa retraite", une manière loin d'être subtile de dire : "Je travaille en couverture ! La retraite, ce n'est qu'un leurre." De plus, la trame se déroule pendant la guerre de libération, et ce policier algérien semble très bien s'entendre autant avec le FLN qu'avec l'administration coloniale : ses amis des deux camps l'informaient et l'aidaient dans son enquête "clandestine", sans rien demander en échange. En somme El-Achiq aura plus lassé par ses imperfections, notamment les redondances, alors que le synopsis donnait envie de découvrir cette œuvre qui aborde un angle nouveau et original sur la guerre de l'Indépendance. R. C.