“Monsieur le Président, Par devoir citoyen, je me permets de vous adresser par la présente et en pièce jointe, une réflexion personnelle, mais qui reflète aussi la préoccupation de larges couches de la société civile et politique à propos du projet de loi nouvelle sur les hydrocarbures. Dans le souci de vous éclairer ainsi que l'ensemble des représentants de la Nation, ne me fondant que sur des faits et analyses autant politiques qu'économiques et techniques, sur les véritables tenants et aboutissants de ce projet qu'en notre âme et conscience jugeons néfaste pour la Nation, je vous mets en garde quant à ses implications sur le sort de nos richesses naturelles et sur notre souveraineté en la matière. Monsieur le président, on vous trompe quand on vous dit que cette abrogation déguisée de la loi fondamentale d'avril 71 (une loi qui n'est même pas citée dans l'ensemble de la quarantaine de lois visées en préambule et qui n'ont rien à voir avec le pétrole) nous serait imposée de l'extérieur ou par les nécessités de l'économie de marché. Le leadership US n'est contesté, ni dans le monde ni aux USA, où les écoles ne divergent que sur le mode d'emploi : le mode “démocratique” dit multilatéraliste, et le mode unilatéraliste — “détenir l'armée la plus forte du monde n'a d'intérêt que si on s'en sert” — pour l'instauration de l'empire US. Les tenants de l'école impériale ayant pris en main il y a quatre ans l'Administration US, le leadership mondial devient, non point un propagateur de démocratie, de paix, de sécurité et de stabilité, mais un semeur de désordre, de misère et d'insécurité. Des puissances européennes et l'opinion dans le monde et aux USA perçoivent bien ce danger comme une menace contre leur sécurité et leur prospérité. L'Algérie aussi futur détenteur de réserves pétrolières majeures suscitant la convoitise de groupes sectoriels US, groupes devant lesquels l'abrogation scélérate de la loi fondamentale d'avril 71 déroule le tapis rouge de la confiscation de nos gisements. Ceux qui prétendent nous l'avons entendu le 24 février 2005, que cette abrogation nous est imposée par le nouvel ordre mondial se placent manifestement dans une sordide logique de pouvoir Outre qu'ils confondent à tort les motivations des groupes sectoriels liés au complexe militaro-industriel avec celles des sociétés pétrolières en général (c'est avec une société américaine, Getty, que nous avions instauré, trois ans et demi avant sa généralisation en 1971 le partenariat à majorité algérienne !), les stratèges de l'abdication se trompent tout autant sur les retombées politiques qu'ils espèrent de cette soumission déclarée. Qu'ils se placent dans une logique de pouvoir ou dans une logique d'intérêt national, le choix de la soumission les perdra à coup sûr et nous avec eux. Car l'administration US a changé de registre pour ce qui concerne ses relations avec les régimes arabes : ce ne sont à ses yeux que des citrons pressés qui ne font plus l'affaire. Elle s'apprête à les jeter un à un. Par ailleurs, les Occidentaux en général, les USA et leur instrument israélien en particulier, ne respecteront, ni nos vies, ni notre dignité, ni notre souveraineté, aussi longtemps que tous ces droits humains supérieurs ne seront pas respectés par nous-mêmes à l'intérieur de nos frontières nationales. En somme, respectons-nous nous-mêmes et que nos dirigeants agissent pour gagner la seule protection crédible après celle de leur Dieu, la protection de leur peuple. En fin de compte ce n'est qu'en revenant à notre peuple, c'est-à-dire en lui donnant les gages de l'existence indiscutable d'une édification institutionnelle nationale crédible ainsi que d'un processus démocratique authentique, que nous survivrons à l'hégémonisme doté des armes les plus meurtrières de l'histoire de l'humanité. Car la nation américaine est une nation démocratique, en dépit du paradoxe que suggère le comportement totalitaire de son administration au niveau mondial. Aussi, au cours de ce 21e siècle, il sera de plus en plus malaisé pour tout gouvernement de s'autoriser d'attenter aux vies, aux biens et à la dignité des personnes, de changer à sa guise les régimes politiques, dans un pays perçu par l'opinion américaine comme un pays démocratique ou à tout le moins manifestement en voie de démocratisation. En vous souhaitant bonne réception de la présente, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président ainsi que tous vos collègues, l'expression de ma haute considération fraternelle”. Alger, le 26 mars 2005 Sid Ahmed Ghozali