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LETTRE A MON PRESIDENT
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 12 - 03 - 2010


Monsieur le Président,
Je m'adresse à vous par courrier vu que c'est devenu le mode de fonctionnement de l'état algérien.
Vous vous adressez à nous par lettre lue et relue par les présentateurs du JT de l'ENTV, comme ce
fut le cas pour les commémorations du 24 Février ou plus récemment pour la journée mondiale de
la femme. Pour nous faire entendre, nous suivons l'exemple de notre « guide » et nous nous
adressons à vous via le courrier.
N'ayez aucune crainte, je n'appartiens à aucun clan, ni à une quelconque tribu. A propos de « clan »
justement, je dois avouer que votre ministre de l'énergie et des mines a frappé fort récemment en
laissant entendre que « le clan présidentiel n'était pas visé ». La ter minologie linguistique utilisée
par Monsieur Chakib Khelil laisse perplexe. Sous d'autres cieux, dans les pays développés entre
autres, on préfère user du terme « équipe ». Equipe présidentielle, gouvernementale, sinon staff
présidentiel pour mieux situer les responsabilités.
Je ne suis qu'un simple citoyen, ancien journaliste (corporation que vous avez traité de Tayabet El
Hammam)d'un quotidien francophone algérien, résident en France. La situation un peu dramatique
voire burlesque que traverse mon pays m'oblige à vous interpeler en votre qualité de chef de l'état,
premier magistrat du pays, seul habilité à mieux nous éclairer sur ce marasme vécu par l'Algérie.
Je me demande monsieur le président si vous êtes conscient de la gravité de la situation que traverse
l'Algérie. Il me semble que non.
Y'a-t-il un pilote dans l'avion? Il me semble que non. Le navire Algérie chavire et fonce droit vers
l'inconnu sinon le néant. Parmi nos dirigeants qui osent encore s'exprimer, c'est la foire aux effets de
manches. Les maitres de l'illusion ,incompétents et dépassés par le modernisme, l'innovation et le
savoir gérer, balancent à qui veut les écouter des argumentations fausses, des données rarement
vérifiables et tentent de s'accrocher à leur poste en imitant l'autruche. Acculés, ils se défendent si
mal et iront jusqu'à user d'un vocabulaire vulgaire et insultant à l'image de votre ministre des
travaux publics Amar Ghoul pourtant islamiste( « On est là, on travaille, les choses avancent, les
autres aboient », déclaration faite en Janvier dernier lors d'un point de presse).
Scandale après scandale, notre pays est désormais au devant de la scène des scabreuses affaires
économiques.
Des départements ministériels sont éclaboussés par des dérives mafieuses et notre premier magistrat
préfère garder le silence. L'Algérie est devenue cette caverne d'Ali Baba où tout le monde se sucre
en toute impunité. Tout le monde se sert. Même les proches de ministres, de dirigeants d'entreprises
ne ratent plus l'occasion d'en profiter au vu et au su de tout le monde. Qu'est-ce qu'on a pas lu ces
dernières semaines dans les quotidiens algériens comme nouvelles ahurissantes révélant des
scandales à répétition et à grande échelle.
« No comment », telle est votre attitude incompréhensible face à des dossiers accablants.
Je ne vais pas étaler les révélations rapportées par les médias algériens ces deux derniers mois
puisque l'essentiel a été porté à la connaissance de nos citoyens via la presse privée.
Et encore! Rien a été encore dit sur le bradage du complexe sidérurgique d'El-Hadjar pour quelques
dizaines de millions de dollars seulement alors que le bureau d'études français Roux avait estimé la
valeur patrimoniale de la seule filiale ALFASID à 980 millions de dollars. Les 800 hectares, tout
comme les installations du complexe d'El-Hadjar ont été offert sur un plateau au groupe MITTAL
STEEL qui obtiendra par la suite la concession sur les mines d'El-Ouenza sans oublier les avantages
fiscaux accordés par l'état au milliardaire indien propriétaire du groupe MITTAL STEEL. Tout a été
concocté et ficelé par une opération de gré à gré. Là aussi, le dossier devrait être réouvert.
L'octroi de la licence de téléphonie mobile à ORASCOM pour 737 millions de dollars a suscité
également des suspicions. Notre voisin de l'Ouest avait quant à lui accordé la deuxième licence
GSM en 1999 pour 1,1 milliard de dollars.
Le dossier SNTF évoquant des accusations gravissimes portées à votre connaissance par Monsieur
SAIDI Mohamed cadre de cette société, trainé en justice pour avoir dénoncé des irrégularités
signalées à tous les niveaux, ne devrait-il pas faire l'objet d'une réouverture, d'un examen
approfondi et d'investigations poussées?
Il s'agit bel et bien de détournements, de tchipa, d'implication de la « main étrangère » dans des
affaires de corruption gravissimes, de favoritisme, de clientélisme et j'en passe des autres
qualificatifs à ce propos. Pourquoi fait-on la sourde oreille à ces comportements nuisibles qui ne
font que décrédibiliser notre pays aux yeux du monde?
Ce qui m'intrigue et qui devrait également intriguer la majorité de notre peuple c'est votre silence
assassin sur le sujet, voire les sujets brulants.
Avez-vous oublié que vous avez été élu pour gérer ce pays?
Qui vous empêche de nous éclairer sur ce qui se passe sur la scène économico-judiciaire?
N'est-ce pas votre devoir de le faire?
N'a-t-on pas le droit nous citoyens, de savoir qui a volé quoi?
D'un coup votre omniprésence et votre dynamisme ont laissé place à une absence injustifiée sur la
scène politique et médiatique. Un fait bizarre non?
Avez-vous honte ou plutôt peur d'avouer que certains de vos proches collaborateurs (ministres) ont
failli à leur mission, à savoir servir l'Algérie au lieu de se servir? Avez-vous peur d'annoncer vos
échecs répétés en matière de gestion du pays?
Le 20 Janvier dernier, le président américain avait surpris tout son monde y compris l'opposition
(parti républicain) en avouant avoir fait des erreurs dans la gestion du pays. Pourtant il n'est en
poste que depuis une année. Obama ne rate pas un évènement pour éclairer ses concitoyens. Il en
est de même pour Sarkozy ou Merkel la chancelière allemande. Mieux, Medvedev le russe a été lui
aussi emporté par le vent « communication ». Les pratiques staliniennes ont laissé place au Kremlin
aux nouvelles technologies et autres méthodes de communications d'où les sorties médiatiques à
répétition du président russe et de son premier ministre Poutine.
Il a fallu d'une rumeur qui a gagné si vite les 4 coins du pays pour vous voir enfin décidé à se
montrer via le petit écran. Sauf que. Oui sauf que cette façon de faire vous a été nuisible.
Inviter la famille Zidane est tout à fait légitime. Il est de votre droit de recevoir qui vous voulez.
Sauf que. Oui monsieur le président. Sauf qu'il y'a des priorités et des urgences à traiter.
Il y'a des praticiens de la santé en grève depuis des lustres. Des enseignants désorientés. Des flics
abattus après l'assassinat de leur chef. Des mécontentements populaires touchant plusieurs localités
du pays. Des dossiers de corruption, de malversations rendus publics uniquement par la presse
privée.
Dans ce contexte, il y'a matière à discussion tant les dérives et les mauvais choix délibérés ou pas
sont nombreux.
Ciblons justement le ministre de l'énergie et des mines et ses folies de grandeur.
Commençons par ce Centre des Conventions d'Oran qui a nécessité un investissement à perte pour
un pays qui a plus besoin d'infrastructures stratégiques que d'évènements périodiques sans aucune
influence sensible sur l'avenir de notre jeunesse. Le ministr e est allé puiser pour ce « méga projet »
600 millions de dollars. Le même montant aurait servi à construire 4 hôpitaux grandeur nature ultra
modernes et hyper équipés. A titre indicatif, le nouvel hôpital civil de la ville de Strasbourg(France)
qui avait reçu ses premiers patients en 2008 ,bâtiment de 90 000M2 bâti sur 8 niveaux, disposant de
715 lits et 15 blocs opératoires dotés d'équipements de dernière génération avait couté à l'état
français 145 millions d'euros. Cet établissement est considéré comme le plus grand hôpital construit
en France depuis celui de Georges Pompidou(hôpital européen) sis dans le 15ème arrondissement
parisien.
Quand on constate l'état de dégradation de nos infrastructures hospitalières et leur manque
d'équipements médicaux, n'était-il pas préférable de s'occuper des secteurs boiteux, en premier lieu
la santé que de gaspiller ces sommes colossales pour des évènements sans répercussion directe sur
le citoyen moyen.
On vient d'apprendre par le biais d'un quotidien arabophone paru jeudi 18 Février que 700 000
nourrissons sont menacés de mort faute de vaccin. Les pénuries de certains médicaments
indispensables notamment pour les maladies chroniques et leur indisponibilité dans les officines de
pharmacie perdurent depuis des années.
Au lieu d'éradiquer les épidémies qui reviennent à grands pas, s'occuper des besoins les plus vitaux
de notre société, pour une simple rencontre internationale sur le gaz prévue à Oran en Avril
prochain, notre ministre de l'énergie ne s'est pas gêné de gaspiller 600 millions de dollars.
En quoi va bénéficier le petit peuple de ce « grand rendez-vous » sur le gaz prévu en Avril?
Plus grave encore, on a appris par le biais de certains organes de presse que la réfection et la
rénovation des bureaux du 10ème étage du siège de Sonatrach (avenue Ghermoul à Alger) confiés à
une société américaine CCIC(?) aurait couté une fortune. Le montant dépensé aurait pu servir à
construire un nouveau siège.
Force est de constater que l'impunité face à de tels compor tements injustifiés et injustifiables de nos
responsables placés à la tête de l'entreprise la plus fortunée d'Afrique, Sonatrach en l'occurrence
devrait pousser le ministre de l'énergie et des mines à rendre des comptes.
Votre ministre de l'énergie a été cité nommément par certains médias comme étant acquéreurs de
plusieurs appartements aux USA. Aucune réaction de sa part.
Sous d'autres cieux, Monsieur Chakib Khelil aurait été sommé de s'expliquer après avoir
gentillement déposé sa démission. Je vous cite l'exemple de Bill Richardson, désigné secrétaire
d'état au commerce par par le président américain Obama et qui a renoncé en Janvier 2009 au poste
pour la simple raison que son nom était cité dans une possible affaire de corruption. Une possible
affaire de corruption. Rien que pour çà, Richardson est allé vite annoncer son retrait. En Grande
Bretagne, Shahid Malik sécretaire d'état à la justice a déposé sa démission en mai 2009 à la suite
d'informations selon lesquelles le garde des sceaux britannique payait un loyer inférieur au prix du
marché pour une résidence. Oui monsieur le président, rien que pour çà, les ministres sautent sous
d'autres cieux. Telle est la démocratie, la transparence et l'égalité des citoyens devant la loi, les
devoirs et les droits.
Chez nous, le ministre des travaux publics est pointé du doigt. Son département est secoué par un
tsunami de scandales de corruption, il reste en poste.
Chekib Khelil est indétrônable alors que son neveu est cité dans une affaire de corruption.
Sonatrach qui dépend de son ministère fait la une ici et là dans les quotidiens qui ne cessent de
révéler des des accusations graves. Le même ministre se sentant fort de l'appui du président nargue
tout un peuple, demeure arrogant envers les médias censés informer l'opinion sur les dérives
mafieuses d'une entreprise placée sous la tutelle de son département ministériel.
Pour Sonatrach en plein tourbillon et qui traverse aujourd'hui une situation d'une gravité inédite ,
on a vu de tout et nous ne connaissons pas encore toute l'étendue . Un état dans un état. Sauf qu'on a
le sentiment que cette entreprise n'appartient qu'à un clan, pour reprendre l'expression du ministre
de l'énergie. Sonatrach ose placer 2 milliards de dollars dans une banque des émirats arabes
unis( Russel Investment) Le frère d'un ancien ministre des affaires étrangères fait partie du staff de
la Rayan Asset Management FZLLC, société qui a assuré d'inter médiaire pour ce placement. Ce
montant représente le double du budget annuel de la Mauritanie pour l'année écoulée (1 milliard de
dollars). Pour notre ministre de l'énergie, c'est le silence qui tue. C'est triste à dire monsieur le
président, mais permettez moi de vous interpeller: tenez vous encore les commandes de nos
finances?
L'heure est grave monsieur le président. Jamais au grand jamais notre pays n'a vécu un tel séisme.
Des détournements à coup de dizaines voire de centaines de millions de dollars, des gabegies
signalées çà et là, des projets estimés à plusieurs milliards de dollars et qui n'arrêtent pas d'attirer la
convoitise de corrompus, des secteurs d'activités aussi sensibles paralysés par des mouvements de
protestation lancés par des travailleurs lésés et abandonnés à leur sort,une dégradation sensible du
pouvoir d'achat des algériens, un taux de chômage qui donne le vertige notamment dans les zones
rurales, des suicides annoncés dans les quatre coins du pays, un appauvrissement massif de la classe
moyenne, des émeutes menées par des jeunes qui ne savent plus sur quel pied danser pour espérer à
un avenir meilleur (Mostaganem, Naama, Sougueur, Tiaret ,rien que pour la journée du dimanche
14 Février 2010) voilà en somme quelques indices et autres repères prouvant de la gravité de la
situation que vit notre pays. Il ne fait aucun doute que l'état est le seul responsable de cet abandon
envers les secteurs les plus vulnérables et les couches les plus démunies. Le plancher salarial assure
juste la survie pour la moitié de la population algérienne. Le dérèglement de la quotidienneté
a amené nos compatriotes à se retirer partiellement de la vie sociale. Nous avons un peuple
déboussolé. Ses journées sont faites de routine et le temps suit son cours. Certains haïssent même le
fait d'êtr e nés en Algérie.
Quel est le sociologue qui a analysé ce phénomène devenu si présent dans nos villes? Celui de ces
scènes horribles de bagarres entre bandes rivales qui s'entretuent à coups de haches et de sabres.
Nos jeunes ne reculent devant rien, s'adonnent à des drogues de plus en plus mor telles.
L'appauvrissement d'une partie importante de la population a généré une rupture violente avec le
modèle générationnel, historico-culturel. L'égoïsme de nos gouvernants n'a fait qu'accentuer
l'effondrement des modèles, d'où l'apparition depuis une décennie d'une illisibilité presque générale
chez le petit peuple. Ce décryptage de la réalité algérienne n'a pas besoin d'experts ou de bureaux
d'études étrangers payés à coup de dizaines de millions de dollars pour être étudié de fond en
comble.
Il est utile monsieur le président de citer votre PCSC (programme complémentaire de soutien à la
croissance) 2005/2009. Estimé à plus de 140 milliards de dollars ce PCSC devait permettre à
l'Algérie de réceptionner 1 million de logements sociaux, de se doter d'infrastructures économiques
et sociales ( métro d'Alger, 1000 écoles, stations d'épuration d'eau, lignes chemin de fer, 34
tribunaux, 51 pénitenciers, autoroute Est-Ouest, etc………..).
En tant que citoyens, n'avons nous pas le droit de se demander sur le montant réel investi dans ce
PCSC de 140 milliards de dollars puisqu'aujourd'hui des révélations et pas des moindres font part
de malversations , de détournements signalés notamment dans les attributions de marchés de gré à
gré et autres? Si nous osons généraliser le phénomène de la corruption à tous les projets lancés et
sur la base d'un taux minimal de 10% en matière de commissions offertes par les groupes étrangers
à ceux qui réussiraient à leur procurer des contrats d'investissements en Algérie, 14 ou 15 milliards
de dollars se seraient volatilisés et partis dans les poches de corrompus et corrupteurs. Il est utile de
rappeler que les recettes pétrolières de l'Algérie en 1996 et 1997 ont été de l'ordre de 12,6 et 13,3
milliards de dollars seulement. Pourtant, face à ces difficultés financières, votre prédécesseur en
l'occurrence Monsieur Liamine Zéroual avait réussi à maintenir le cap et assurer les importations
des matières premières .Sous l'ère Zéroual, le gazoduc Transmed2 ( qui livr e du gaz naturel vers
l'Espagne via le Maroc) a été mis en service tout comme le doublement du gazoduc Transmed1(qui
livre l'Italie). Ces investissements avaient permis d'atteindre aujourd'hui un volume d'exportation
dépassant de loin les 60 milliards de M3.
On a longtemps espéré que le taux de chômage soit réduit à moins de 10% de la population active
comme vous l'avez promis grâce à ce PCSC. Le taux exact aujourd'hui dépasserait et de loin les
15%.
En début février, un représentant syndical du corps des médecins exerçant dans les établissements
publics a révélé que plus de 2000 médecins algériens avaient quitté le pays depuis 2008. Quelle
horreur!2000 cadres formés par l'état algérien vont maintenant offrir leur service dans les meilleurs
hôpitaux européens ou nord-américains. Rien qu'en France, ils sont déjà 5000 toubibs dont des
sommités en médecine qui exercent dignement leur noble métier. Qu'avez-vous fait pour les retenir
monsieur le président? Qu'a fait votre ministre de la santé pour convaincre nos médecins partis
s'exiler faute d'oreille attentive à leurs préoccupations sociales? Apparemment ni vous, ni votre
ministre n'avez pris au sérieux le malaise et la paupér isation de ce corps professionnel. Les grèves
des médecins se sont succédées et ont duré des mois et aucune réaction de votre part n'a été
signalée. Vous leur avez répondu par la riposte et les CRS qui les ont tabassé.
Nor mal, dirai-je. Vous, vos proches, certains de vos ministres, des anciens et des très anciens
ministres partent par dizaine chaque année se soigner en Suisse, en France ou ailleurs, grâce à
l'argent du contribuable ou plutôt grâce aux recettes pétrolières. En clair, vous, vos proches et vos
ministres, vous n'avez pas besoin de nos médecins ni de nos hopitaux puisqu'à chaque migraine
bénigne, vous atterrissez dans une clinique européenne aux frais de l'état. Quant aux pauvres
citoyens, ils auront à partager la misère de leurs compatriotes médecins et autres infirmiers.
Lors de votre première investiture(1999), vous avez déclaré que « l'enseignant algérien doit
retrouver la prestigieuse place qui est la sienne pour mieux accomplir sa noble mission ». Onze
années après, rien n'a été fait pour ce corps enseignant,censé être le pilier de la société qui est la
notre. De grève en grève, nos enseignants ont tenté de vous alerter sur leur déclin et leur désarroi. A
ce jour, on ne vous a pas entendu intervenir sur leur sort. Savez-vous combien perçoit
mensuellement un prof irakien? L'équivalent de 900 euros (plus de 100 000 dinars algér iens). Ce
pays pourtant en guerre depuis 2003 assure à ses enseignants un salaire décent (interview de
Hameed Nasser, chercheur irakien à l'école des hautes études en sciences sociales de Paris,
interview parue dans Métro,édition du vendredi 19 Février 2010) .
Comme si cette couche de la société ne vous intéresse guère, vous avez complètement ignoré les
souffrances de ce secteur marginalisé. Ailleurs, l'estime réservée au enseignants est sans pareil. Rien
qu'à voir nos universités classées parmi les dernières au monde, cela nous donne du tournis.
Abordons les classements justement. Sous votre règne notre pays ne cesse de régresser(exception
faite pour notre équipe nationale de football composée en majorité de joueurs formés en Europe).
Ainsi, le dernier classement élaboré par la Banque Mondiale traitant de l'efficacité commerciale et
économique place l'Algérie à la 130ème place(sur 155 pays).La première université algérienne
(Djilali Lyabes) figure à la 4116ème place (classement Shanghai qui classe 6000 universités à
travers le monde. En matière de circulation routière et accidents de la route, notre pays est classé au
4ème rang mondial des accidents de la circulation (on est premier à l'échelle maghrébine et arabe
toujours en matière d'accidents de la route).Le PNUD(Programme des Nations Unis pour le
Développement nous pointe à la 104ème position sur 182 pays. L'organisation américaine Business
Software Alliance (BSA) nous a octroyé la place de 64ème sur 66 pays sur l'index 2009 de la
compétitivité du secteur des technologies et de l'information(2009 IT Industry Competitiveness
Index).On devance juste le Nigeria(65ème) et l'Iran (66ème). La dernière Olympiade de
mathématiques qui s'est déroulé durant l'été en Allemagne n'a fait que confirmer que le niveau
scolaire en Algérie est au plus bas. On s'est classé dernier lors de cette compétition (104ème sur 104
pays représentés).
Sous votre règne Alger autrefois belle et attirante pour des millions de visiteurs se classe aujourd'hui
parmi les dernières capitales au monde. La revue Britannique « The Economist » se basant sur les
conditions de vie a dressé en 2009 le tableau classifiant les capitales de tous les pays de la planète.
Alger en effet pointe à la 138ème position juste devant Harare la capitale du Zimbabwe. Même
Téhéran, Lagos, Abidjan et j'en passe sont mieux classées que notre Alger « La Blanche » qui
n'offre plus un cadre de vie aux normes exigées notamment environnementales. Lors d'un séminaire
qui s'est tenu en Décembre dernier à Blida sous le thème « La société et la criminalité », des experts
avaient attiré l'attention sur un phénomène qui a pris de l'ampleur ces dix dernières années. Il est
question de la mendicité. A elle seule, notre capitale compte un séminariste, 13 000 mendiants, un
record mondial impossible à battre même dans les pays les plus misérables de la planète.
Hallucinant, n'est-ce pas? Il n'y'a pas une ville ou un village qui est épargné par ce drame de la
mendicité.
Et pour vous réveiller monsieur le président, permettez-moi de vous annoncer que le pays dont vous
avez la charge de gérer a été classé en 2009 par le forum économique mondial siégeant à Genève, à
la 99ème place en matière de compétitivité économique sur les 134 pays répertoriés. Les pays du
Golf qui ont su investir grâce à la flambée des prix du pétrole se hissent à des positions qui rendent
jaloux bon nombre de pays occidentaux. Le Qatar est 26ème, suivi de l'Arabie Saoudite à la 27ème
position , suivent les Emirats arabes Unis à la 31ème place devant le Koweït,35ème.
L'argent de notre pétrole est allé apparemment dans les poches de corrompus ou gaspillés dans des
projets sans queue ni tête.
Pour vous offrir la cerise sur le gâteau, je me baserai sur les données communiquées par le Centre
National d'Etudes et d'Analyses pour la Population et le Développement ( CNEAP) qui sont
effrayantes. Alors qu'on pensait que l'analphabétisme a été banni de notre société, voilà que ce
CNEAP nous surprend en nous annonçant que le taux d'analphabètes chez nous est de l'ordre de
22%; il indique même qu'il a recensé en 2009, 6 millions d'analphabètes parmi la population. Plus
grave encore, 4,5 millions d' enfants âgés entre 10 et 15 ans sont analphabètes (75%). Traités par
sexe,les données indiquent que les femmes ou filles représentent 60%. Dans le même registre
alarmant, 50 000 adolescents quittent les bancs de l'école chaque année. L'univers impitoyable du
banditisme et de la drogue ouvre grandement ses portes à bon nombre d'entre- eux.
Ainsi donc ces données témoignent de la médiocrité signalée à toutes les échelles, dans tous les
secteurs.
N'est-ce pas alarmant monsieur le président?
Comment notre pays a t-il pu plonger aussi bas que bas?
Certains de vos hommes de main qui étaient aux commandes osent encore aujourd'hui se montrer , à
l'image de votre ministre d'état Belkhadem. N'était- il pas chef du gouvernement? N'était-il pas au
courant de ces dérives?
Belkhadem n'était -il pas au courant des visites périodiques du traf iquant d'armes Pierre Falcon à
Alger? Ce même Falcon condamné le 27 octobre dernier par le tribunal correctionnel de Paris à 6
ans de prison fer me dans la tristement célèbre affaire de l'Angolagate(trafic d'armes) a failli assister
à un conseil interministériel consacré au projet autoroute Est-Ouest. Quel scandale!
Cette méga corruption de nos dirigeants aux cols blancs nous pousse nous émigrés à jouer
aujourd'hui profil bas devant les ressortissants des autres pays.
Pour vous prouver qu'il y'a corruption dans ce projet Autoroute Est-Ouest classé « projet du
siècle », nul n'a besoin de recourir à des exper ts pour le constater. Il suffit juste de comparer les
tarifs appliqués ailleurs et ceux soumis à l'état algérien pour se rendre compte qu'il y'a eu bel et bien
surfacturation sur tous les tronçons mis en chantier. Le préjudice s'élève à plusieurs milliards de
dollars.
Alors comparons:
Le tronçon de 150km reliant Pau à Langon (France) de l'A65 coutera à l'état français, 1,2 milliards
d'euros (1,6 milliards de dollars) soit 8 millions d'euros le km. Cette réalisation sera livrée clefs en
main au printemps 2011 et verra la construction de 15 viaducs, 150 ouvrages d'art, des
aménagements paysagers comprenant des plantations spécifiques,4 aires de repos, 2 aires de service
(stations d'essence y compris des bâtiments de service), des ouvrages hydrauliques,9 diffuseurs, etc.
Le cout de réalisation est jugé élevé et s'explique par la nature du tracé en grande partie en zone
montagneuse(Pyrénées atlantiques).
L'estimation faite pour le cout au kilomètre de l'autoroute A75(Clermont-Ferrand- Béziers) longue
de 334 km et qui traverse 6 départements français est de l'ordre de 6,5 millions d'euros (2,2
milliards d'euros au total avec réception d'une autoroute clefs en main je précise).
Chez nous, le groupement chinois CITIC a facturé un lot du centre (169 km) pour 2,6 milliards de
dollars (1,9 milliards d'euros).
A titre indicatif, la fourchette des prix au km signalée en France par exemple varie entre 4 et 8
millions d'euros( 5,5 à 10,9 millions de dollars). En plaine(le plat), le cout est estimé à moins de 5
millions d'euros/km.
J'ai pris le soin de comparer avec les couts pratiqués en France pour l'unique raison que les
autoroutes françaises sont déclarées les plus sécurisées et les mieux réussies.
Chez nous le cout de construction ne peut être que raisonnable ( de 3 à 6 millions d'euros y compris
pour les tronçons englobant les lieux complexes et accidentés) pour la simple raison que la future
autoroute algérienne adoptera des dimensions et des normes minimales d'équipements. On notera
aussi que les autoroutes inaugurées ces dernières années en Europe, offrent le maximum de sécurité
aux automobilistes et routiers( caméras de surveillance, glissières en acier résistant, virages doux,
pentes faibles, des lits d'arrêt, des mini parcs pour enfants, panneaux à messages variables, des
radios spécifiques pour annoncer tout incident, aires de repos, centre de surveillance, etc…..).
Toutefois et pour ce qui concerne ce « méga-projet », on peut aisément avancer un cout global au
km largement inférieur à 6 millions d'euros (8,16 millions de dollars). La masse salariale dépensée
par les réalisateurs du projet de l'autoroute Est-Ouest est huit fois inférieure à celle versée en France
par exemple(SMIC mensuel brut avec base de 35 heures/semaine=1343,77 euros). Ce gain
considérable se répercute sur le cout global de réalisation du projet. Ce qui inciterait à penser que la
dite autoroute Est-Ouest couterait en définitive moins de 10 milliards de dollars. Voire en dessous
de 8 milliards de dollars.
Déjà le 29 Aout 2009, le journal en ligne TSA (Tout Sur l'Algérie) avait révélé que « sur le tronçon
Centre reliant Alger à Bordj Bou Arreridj confié aux chinois, tous les procès verbaux de réception
des travaux se terminent par la mention « Manque de plans ». Se basant sur les aveux d'un expert
algérien engagé dans le suivi du projet, TSA ajouter a « qu'outre l'absence d'études et de plans, le
groupement Citic-Crcc utilise des matériaux non conformes à la réglementation algérienne dans la
construction de remblais, notamment sur le tronçon Lakhdaria-El Hamiz aux portes d'Alger ».La
même source révèlera également que les chinois pressés par Amar Ghoul savent que le seul souci du
ministre des travaux publics est de livrer le projet dans les délais, en 2010.
Ce ministre n'a pas été inquiété, il ne s'est même pas expliqué sur ces accusations. Pis, il est toujours
en poste.
Le virus de la corruption s'est propagé dans tous les secteurs.
Comment expliquer que la pelouse du stade Vélodrome de Marseille a été refaite en moins de 15
jours pour seulement 200 000 euros alors que la réfection de celle du complexe du 5 juillet (il n'a de
complexe sportif que le nom) a nécessité 2 années de travaux et la bagatelle de 11 milliards de
centimes. Et dans quel état était-elle lors du match Algérie-Serbie. Du gâchis criminel et personne
n'a été inquiété. Personne n'a demandé des comptes à ceux qui sont censés gérer ce dossier.
Tout est devenu normal chez nous. Tout comme j'évite de vous parler du métro d'Alger. Ce projet
devrait figurer au Guiness des records. Trois décennies se sont écoulées sans qu'il ne voit encore le
jour. J'évite aussi de vous parler de nos réserves de change et leur lieu de placement qui est devenu
un secret d'état.
Pour votre politique étrangère, nul n'ignore que notre pays est humilié(le cas du drapeau algérien
brulé par des avocats égyptiens), oublié et délaissé par les investisseurs. Pour les questions du
Proche Orient, les occidentaux et les états unis préfèrent traiter directement avec l'Egypte sinon
s'adresser à la Jordanie, le Qatar ou l'Arabie Saoudite. L ‘influence de l'Algérie est au degré zéro. Le
calvaire du diplomate Mohamed Ziane Hasseni interpelé à Marseille le 14 Aout 2008 dans le cadre
du dossier judiciaire Mecili, a duré plus d'un an et demi. Il fallait attendre le début du mois en cours
pour voir le parquet de Paris décider d'un non lieu.
« Le concert des nations » qu'évoque souvent le journal El Moudjahid ne sert qu'à endoctriner une
minorité d'Algériens ensorcelés par les discours démagogiques. Le vrai concert des nations
monsieur le président c'est le G8. C'est la cour des grands. Là où tout se décide.
Sur la scène internationale nous sommes les abonnés absents. Presque une soumission qui ne dit pas
son mot.
Avec des recettes pétrolièr es au minima et un embargo total infligé par les occidentaux sur l'Algérie
durant la décennie noire, l'ancien président Zéroual s'était quand même imposé et n'avait pas cédé.
Le refus unilatéral de Zéroual de rencontrer en Octobre 1995 l'ex président français Jacques Chirac
à New-York à l'occasion des cérémonies du cinquantenaire de l'ONU en est l'exemple frappant du
« Nif » algérien.
Même sous l'ère Chadli Bendjedid, l'Algérie arrivait à se faire entendre. N'est-ce pas nous, algériens
qui avons participé au règlement de l'affaire des otages américains détenus en Iran? Reagan avait
fait appel à notre défunt ministre des affair es étrangères Mohamed Seddik Benyahia pour servir
d'intermédiaire et l'affaire des otages a pris fin le 20 janvier 1981 après 444 jours de conflit irano-
américain ( Accords d'Alger).
Notre ministre ne devrait-il pas commencer par exiger des occidentaux plus de visas pour les
algériens, notamment les étudiants? Plus d'humanisme, de dignité et de respect pour les expulsés de
France et d'ailleurs?
Nous qui vivons loin de notre chère patrie, nous avons honte et nous n'osons plus aborder avec
d'autres ressortissants arabes ou citoyens français des sujets qui fâchent.
Monsieur le président, bizarrement, le phénomène des Harragas s'est accentué dès votre
intronisation à la tête du pays. Est-ce une coïncidence? Le mauvais sort vous poursuit-il? Votre
gestion des affaires de l'état a poussé les jeunes à fuir le pays par centaines avec comme seul rêve
rejoindre l'autre rive de la Méditerranée. Qu'avez-vous fait pour les sensibiliser et les retenir? Rien
sauf une loi incriminant le phénomène. A vos yeux, emprisonner les harragas résoudrait le problème
de la mal-vie de nos jeunes déboussolés et sommés de rester Hitistes jusqu'à un age avancé.
Permettez-moi monsieur le président de conclure par un constat personnel: l'Algérie fonce droit vers
un précipice. Le manque de repères pour notre société est trop visible pour espérer un redressement.
Le mal est profond. Une société sans repères ne peut s'attendr e qu'à sa disparition.
Si par malheur les prix du baril de pétrole connaitront une chute vertigineuse comme ce fut le cas
sous la présidence Zéroual (le prix du baril est descendu jusqu'à 10 dollars en 1998 sous l'effet de la
crise asiatique), l'Algérie traverserait la plus grave crise jamais connue depuis son existence.
Il me semble légitime de demander une solution à cette énigme: « Avec 10 dollars le baril de
pétrole, l'ancien président Zéroual arrivait à nourrir tout un peuple. Avec un baril qui a frôlé les 150
dollars sous votre règne, les algériens ont investi en masse les rues pour faire la manche ».
Je n'espère pas pour vous ni pour mon peuple une chute du prix de pétrole.
« Quand la vache est trop maigre, on ne peut plus la traire » (Mme Michu dans ses grands jours).
Djoumad Djamel Bara
Ancien journaliste.



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