La Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (Laddh) a dénoncé, hier, la campagne — qualifiée "d'inquisisioniste" et de "harcèlement" — "menée par œle gouvernement" et "encadrée" par le ministère des Affaires religieuses contre les membres de la communauté ahmadie. Qualifiée de secte et accusée de déviation confessionnelle et d'atteinte à la cohésion nationale par le ministère des Affaires religieuses sur la base d'une curieuse fatwa, du fait qu'elle n'est pas du rite malékite érigé comme référentiel national de l'islam en Algérie, les Ahmadis, dont l'activité, jusqu'à il y a quelques mois, était très discrète, sont la cible d'une campagne féroce relayée par des médias, notamment arabophones. La Laddh appelle le pouvoir exécutif, particulièrement le ministère des Affaires religieuses, à "cesser cette campagne et à respecter les libertés de conscience et de culte" consacrées par la Constitution et le pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par l'Algérie, indique l'ONG dans un communiqué signé par son vice-président, Saïd Salhi. Selon les chiffres recueillis par la Laddh, près de 240 personnes sont poursuivies en justice dans 32 wilayas du pays ; 25 personnes sont jugées et emprisonnées à Sidi Bel-Abbès, à Mostaganem, à Chlef, à Aïn Defla, à Khemis Miliana, à Tiaret, à Skikda, à Oued Souf et à Constantine. Elles écopent des peines allant de 2 mois à 5 ans de prison ferme ainsi que de 30 000 à 50 000 DA d'amende ; 60 personnes sont déjà jugées avec des peines de prison avec sursis et d'amende ; 20 personnes sont mises sous contrôle judiciaire en attendant leur procès ; le reste, dont 30 personnes poursuivies à Béjaïa devant le tribunal d'Akbou, est remis en liberté en attendant le procès, alors que 7 personnes attendent le leur prévu le 23 avril 2017 devant le tribunal de Boufarik. Les personnes sont toutes poursuivies, selon la Laddh, pour les chefs d'inculpation suivants : atteinte au Prophète ou à l'islam, en vertu de l'article 144 bis 2 du code pénal (pour l'essentiel) ; appartenance ou création d'association et collecte de fonds sans autorisation. "La plupart des personnes ont été appréhendées à leur domicile suite à des enquêtes des services de renseignements et de sécurité et mises en garde à vue ou en détention provisoire en attendant leur jugement", explique l'ONG. Elle rapporte que "lors de la garde à vue ou des interrogatoires, nous n'avons pas recueilli de cas de torture ou d'atteinte à l'intégrité physique de ces personnes, en revanche, nous avons noté, dans plusieurs cas, lors de l'instruction et des interrogatoires, des pressions et du harcèlement moral en vue d'arracher de ces personnes le renoncement à leurs convictions religieuses contre l'abandon des poursuites". "Parmi ces personnes, on trouve des personnes membres d'une même famille, des femmes, des personnes de divers âges, conditions et niveaux d'instruction et sans antécédents judiciaires", précise-t-elle. Tout en réitérant sa solidarité avec les victimes et tout en interpellant la justice à "ne pas céder aux chants des sirènes", la Laddh appelle le gouvernement à "garantir la protection des minorités religieuses et à veiller à consolider le vivre-ensemble et la cohésion nationale dans la diversité et le respect des valeurs de tolérance et de la non-violence". Elle l'appelle, aussi, pour le retrait du projet de loi visant à lutter contres les dérives confessionnelles préparé par le ministère des Affaires religieuses qui, selon notre confrère El Watan, serait sous "l'emprise" des salafistes, lesquels seraient derrière cette campagne contre les Ahmadis. K. K.