Youcef Ould Dada, 47 ans, condamné à deux ans de prison ferme pour avoir diffusé une vidéo sur facebook montrant des policiers en tenue, sortant d'un magasin les mains chargées, ce qui semble être un flagrant délit de vol. Mauvaise surprise. Les avocats de la défense étaient convaincus qu'il serait libéré tant les charges retenues contre lui étaient jugées «infondées». Youcef Ould Dada a finalement écopé de deux ans de prison ferme en deuxième instance. Ce Mozabite, 47 ans, père de cinq enfants, ingénieur en électronique, est accusé «d'atteinte à l'intérêt national» pour avoir diffusé une vidéo sur facebook montrant des policiers, en tenue, sortant d'un magasin les mains chargées, ce qui semble être un flagrant délit de vol. Après 6 mois de détention provisoire à la prison de Chaâbet Ennichène (Ghardaïa), il avait été condamné en première instance à deux ans de prison ferme. C'était en juin dernier. Le parquet près la cour de Ghardaïa avait alors requis une peine de trois ans de prison, en deuxième instance. La peine de deux ans de prison ferme et 100 000 DA d'amende a été confirmée hier. Pour les avocats en charge du dossier, cette condamnation a surtout valeur d'avertissement. «Toute l'équipe d'avocats qui a travaillé sur ce procès s'attendait à ce qu'il soit acquitté. Nous sommes très déçus», déclare maître Amine Sidhoum, membre du collectif des avocats de la défense. «Nous avons d'abord été surpris parce que les charges retenues contre lui ne tiennent pas la route, mais aussi parce que ce verdict n'encourage pas l'apaisement à Ghardaïa», ajoute-t-il. Pour la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH), cette affaire est une «grave atteinte à la liberté d'expression». Une affaire politique qui vise à intimider toutes les voix qui critiquent le régime sur la Toile. «Le dossier était vide et les poursuites infondées sur le plan juridique. Ce n'était pas un procès équitable, on peut donc facilement en faire une lecture politique», commente Me Benissad, président de la LADDH. Les faits remontent à novembre 2013, Youcef Ould Dada avait diffusé sur facebook une vidéo, - 3 minutes et 49 secondes - montrant trois policiers sortant d'un magasin les mains chargées. La peur des réseaux sociaux La scène, filmée du haut d'un balcon d'un siège d'association dans la commune d'El Guerrara, à 115 km au nord-est de Ghardaïa, semble être un flagrant délit de vol. Quelques jours plus tard, la police l'embarque et le présente au parquet. Il est auditionné par le juge d'instruction puis mis sous mandat de dépôt. Il est accusé «d'atteinte à l'intérêt national» sur la base de l'article 96 du code pénal qui prévoit que «quiconque distribue, met en vente, expose au regard du public ou détient en vue de la distribution, de la vente ou de l'exposition, dans un but de propagande, des tracts, bulletins et papillons de nature à nuire à l'intérêt national, est puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 3600 DA à 36 000 DA». Un article qui ne peut s'appliquer au cas de Youcef Ould Dada, selon ses avocats, puisqu'il n'y est pas fait mention de «diffusion de vidéo sur internet». Ils ont également mis en avant le fait que l'accusé n'ait fait que partager la vidéo (quelqu'un d'autre aurait filmé). Les arguments de la défense n'auront pas suffi. A Ghardaïa, cette condamnation suscite déjà de la suspicion. Pour Mosbah Hammou, militant FFS à Ghardaïa, qui a assisté à l'annonce du verdict hier, cette affaire est clairement liée aux événements qui ont secoué la vallée du M'zab ces derniers mois : «C'est une affaire politique qui va empêcher l'apaisement ici, c'est pour nous un procès très énigmatique qui peut en révéler plus sur tout ce qui se passe actuellement à Ghardaïa.» Pour sa part, la LADDH n'a pas manqué de dénoncer cette condamnation via un communiqué rendu public hier : «La LADDH persiste à signaler que les poursuites étaient infondées à son encontre et a appelé à un procès équitable, notamment par une contre- expertise du rapport d'analyse élaborée par la police, qui s'est trouvée dans cette affaire juge et partie. En concertation avec le concerné, les avocats de la LADDH envisagent de se pourvoir en cassation tout en demeurant mobilisés pour exiger la libération de Ould Dada. La LADDH réitère son appel aux différents acteurs pour une mobilisation active face aux harcèlements de toute nature contre la liberté d'expression.» En attendant un pourvoi en cassation, la LADDH appelle à la mobilisation.