Ahmed Ouyahia affirme que son parti possède un programme différent de celui du président de la République. Liberté : Le RND proclame qu'il soutient le programme du chef de l'Etat. Mais qu'en est-il de votre propre programme en tant que parti politique ? Et est-ce qu'il n'existe pas, au demeurant, un risque de télescopage ou de duplicité de programme avec celui du FLN qui, tout comme le RND, soutient le programme présidentiel ? Ahmed Ouyahia : Le soutien du RND au programme du président de la République est un engagement politique. Nous sommes derrière ce dirigeant dans la démarche qu'il imprime à la nation. Mais cela n'a jamais signifié l'absence d'un programme social, politique, économique et culturel au RND. Citons à titre d'exemple nos programmes issus des congrès du parti, les programmes électoraux. Notre programme pour les législatives prochaines est un programme qui a sa propre identité et sa rationalité, tout en convenant que le RND ne sera pas un parti d'opposition après le 4 mai prochain. Dans le même temps, nous ne sommes pas en compétition avec le FLN ni autour de la personne du Président ni autour de son programme. Nous défendons nos idées à l'occasion de ces joutes électorales et nous allons prouver notre capacité à gouverner. La confection des listes de candidatures aux législatives a été émaillée de nombreux scandales. Ne pensez-vous pas que cela porte déjà préjudice au scrutin et écorne la crédibilité de la future Chambre des députés ? S'agissant d'une appréciation globale de l'atmosphère dans laquelle se déroule la préparation des élections, je ne veux pas porter un jugement pour ne pas tomber dans le jeu de ceux qui cherchent toujours à amplifier les fautes d'autrui. Mais une chose est sûre : il existe bel et bien une tendance à dénigrer les institutions de notre pays en toute circonstance. S'agissant de scandales, je vous assure que le RND combat radicalement la corruption et que nous ne cesserons de dénoncer l'intrusion de l'argent sale sur la scène politique nationale. Le RND a présenté des listes propres, qui sont le résultat d'une démarche propre et je défie quiconque de démontrer le contraire. Le RND développe un discours qui sonne comme une remise en cause de certains acquis sociaux. Qu'avez-vous à nous dire à ce juste propos ? Je dois préciser d'emblée que le RND n'est pas un partisan de la rigueur, mais un défenseur de la rationalité et de la réalité, surtout en ces temps où les finances publiques vont mal. Il y a quelques années, nous appelions à la productivité et à la compétitivité pendant que d'autres acteurs politiques, adeptes du populisme, revendiquaient des augmentations de salaires en évoquant l'aisance financière (bahbouha) de l'époque. Qu'ils viennent maintenant s'expliquer devant les Algériens ! C'est parce que nous voulons une politique sociale juste et transparente que nous défendons d'abord la mise en place d'une politique créatrice de richesses à redistribuer. C'est parce que nous voulons que notre pays persiste dans une politique sociale orientée vers les classes sociales les plus pauvres que nous plaidons et exigeons la transparence dans toutes les démarches d'aides sociales et de subvention des produits de première nécessité. Nous prônons la rigueur et l'austérité pour que l'Etat puisse consacrer plus de ressources à sa politique sociale. En définitive, le RND n'est pas un partisan du populisme et de la démagogie comme il n'a jamais cherché à remettre en cause, par quelque moyen que ce soit, la politique de solidarité au sein de la collectivité nationale. Le RND rêve d'une société de dignité qui repose d'abord sur le travail et l'effort. La règle 51/49%, régissant l'investissement étranger en Algérie, est considérée comme une contrainte par des capitaux étrangers qui l'utilisent comme alibi pour éviter de venir investir dans notre pays. N'est-il pas temps de l'abroger ? Le RND considère plutôt la règle 51/49% comme un instrument qui sert l'économie nationale. Nous continuons de la défendre, car avant son institution en 2009, l'investissement étranger hors hydrocarbures était des plus insignifiants. Depuis que cette règle est appliquée, notre pays a enregistré davantage d'investissements dans le secteur des hydrocarbures, mais aussi dans les domaines de l'agriculture, de l'industrie et de la construction mécanique. Il existe, il est vrai, ceux qui l'utilisent comme alibi pour éviter d'investir en Algérie. Cela étant dit, nous avons des lacunes qui entravent un afflux dynamique d'investissements nationaux ou de partenariats avec l'étranger, à l'image des lourdeurs bureaucratiques : des entraves auxquelles le RND propose des solutions. (*) Cet entretien est le premier d'une série d'interviews que Liberté initie durant la campagne électorale en cours. D'autres chefs de parti sont au programme, parmi ceux qui participent au scrutin et ceux qui le boycottent. Entretien réalisé par Kamel Bouabdellah