Il accuse le gouvernement de vouloir acheter une paix sociale à travers le recours récurrent aux caisses de l'Etat remplies grâce à la rente pétrolière. Rien ne va plus entre les deux alliés stratégiques, en l'occurrence le FLN et le RND. Les divergences longtemps couvées ont fini par ressurgir, hier, le temps d'une rencontre avec les cadres du parti, animée par le secrétaire général du RND Ahmed Ouyahia. «Je tiens à préciser que cette conférence a été programmée depuis le mois de juin», a annoncé d'emblée l'ex-chef de gouvernement. Une précision de taille lorsqu'on sait qu'il a consacré l'essentiel de son intervention à remettre en cause les arguments exprimés par son successeur au gouvernement Abdelaziz Belkhadem, lors de la conférence de presse tenue mardi dernier à la résidence El Mithaq. Ouyahia souhaitait balayer la thèse de la confrontation, mais l'impression laissée à la fin de la rencontre démontre tout à fait le contraire. C'est sur le plan socio-économique que le désaccord entre les deux membres de l'Alliance se précise: «Il y'a une crise sociale que nul ne peut ignorer. Cette situation n'a pas besoin de solution de conjoncture, mais de réformes de fond», affirme-t-il. Décidé apparemment à balancer les quatre vérités à la veille de la rentrée sociale, M.Ouyahia pense que l'actuel gouvernement ment au peuple. «Ni la pomme de terre, ni le lait ni le sucre, ajoute-t-il, ne sont à l'origine du malaise social.» Le problème est beaucoup plus profond. Il est, à en croire Ahmed Ouyahia, en relation directe avec la gestion des affaires de l'Etat et les orientations économiques du gouvernement. Il reproche dans ce sens, à son allié, la stratégie de fuite en avant, qui risque «de porte préjudice au pays, et de menacer davantage sa stabilité.» Concrètement, M.Ouyahia pense que la flambée des prix des aliments de consommation de base «n‘ont rien à voir avec la Bourse internationale». Il accuse les lobbies et la mafia de l'importation de vouloir déstabiliser la paix sociale. De 2004 à ce jour, l'Etat assure l'importation, la distribution du blé et du lait, à travers l'Oaic et Giplait. Les prix sont fixes et subventionnés. Comment expliquer les dernières augmentations? M.Ouyahia est catégorique: cela est dû aux spéculateurs qui ne seraient pas étrangers aux deux organismes. Au lieu de recourir à des «solutions de conjoncture» qui ont prouvé leurs limites, notamment à travers l'importation massive des aliments de base, le patron du RND propose «de renforcer le contrôle sur le marché national.» Il juge aussi nécessaire la création d'une centrale d'achat pour les circonstances «exceptionnelles.» «Nous assistons à un véritable pillage de la richesse nationale.» Que fait le gouvernement? Rien, selon lui: «Il y a un manque de volonté de lutter contre ces lobbies qui bénéficient d'une complicité désolante de la part de l'administration.» Hier, l'ex-chef de gouvernement a donné l'impression d'être bien au fait du dossier. «Quand j'évoque les lobbies, je ne suis pas en train d'inventer une situation. Il est encore loin de mon intention de cacher des vérités au peuple algérien. C'est une réalité en face de laquelle on est appelé à agir avec fermeté et rigueur.» M.Ouyahia lance un signal d'alarme. «Les lobbies visent actuellement une zone à haut risque. C'est la poche des citoyens», les accusant de vouloir délibérément provoquer une fronde sociale. Le malaise est si sérieux qu'il n'a pas hésité à interpeller l'Exécutif à «mener une bataille du destin pour le pays.» Le secrétaire général du RND ne s'arrêta pas là. Il persiste et signe dans sa vision critique contre le gouvernement de Belkhadem, dont le RND fait partie: «La situation actuelle démontre les limites de notre politique sociale.» La récente annonce faite par M.Belkhadem concernant la révision de la grille des salaires de la Fonction publique «en est la preuve». «Cela n'est pas une solution. L'Algérien a besoin d'améliorer son pouvoir d'achat. L'urgence est dans la résorption du chômage. Et cela ne peut se réaliser qu'à travers une véritable stratégie d'investissements». Sur ce dernier chapitre la situation n'est pas plus reluisante. «Les crédits destinés aux opérateurs économiques en 2006 n'ont pas dépassé les 2 milliards de dollars. Et pourtant les banques algériennes ne manquent pas de liquidités», soutient-il. En somme, M.Ouyahia accuse le gouvernement de vouloir acheter une paix sociale, à travers le recours récurrent aux caisses de l'Etat, remplis grâce à la rente pétrolière. Sur le plan politique, signalons que le secrétaire général du RND n'a fait aucune allusion à l'Alliance stratégique. Il s'est contenté de réitérer son soutien traditionnel au président de la République et à sa politique de réconciliation nationale. Sur le plan interne, M.Ouyahia a indiqué que le parti se prépare sérieusement à la prochaine échéance électorale. Il a soutenu enfin la démarche du ministre de l'Intérieur visant à assainir les listes électorales.