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600 milliards de dollars pour sauver le climat
Rapport de la commission des transitions énergétiques
Publié dans Liberté le 04 - 05 - 2017

Il s'agit d'une baisse de 3700 milliards de dollars des investissements dans les énergies fossiles, tandis que ceux dans les technologies bas-carbone et l'efficacité énergétique requièrent respectivement une hausse de 6000 et 9000 milliards de dollars.
Le dernier rapport d'ETC (Energy Transitions Commission / energy-transitions.org), publié le 27 avril dernier, remet à l'ordre du jour les capacités de l'économie mondiale pour un développement respectueux des équilibres climatiques de notre planète. Pour cet organisme, "notre monde est suffisamment prospère pour diviser presque de moitié les émissions annuelles de CO2 d'ici 2040". Une telle trajectoire qui limite le réchauffement climatique passe par "une redirection importante des investissements dans le mix énergétique". ETC regroupe des acteurs industriels et des institutions financières de renommée mondiale ainsi que des instituts de recherche sur l'environnement comme HP Billiton, Veolia, Shell, Schneider Electric, Merrill Lynch, HSBC, BlackRock, Catholic Catapult Systems, Sciences du CO2, European Climate Foundation, General Electric, Generation Foundation, Grantham Foundation, OPower, Paulson Institute, Rocky Mountain Institute, Royal Dutch Shell, RWE, Statnett et la Fondation des Nations unies. Ce regroupement estime que les technologies disponibles et les capacités financières existantes permettent de faire passer les émissions de CO2 de 36 milliards de tonnes par an aujourd'hui à 20 milliards de tonnes en 2040, contre 47 milliards si la tendance actuelle persiste (le scénario BaU ou laisser-faire). Dans les conclusions du rapport, les rédacteurs affirment que cela est possible à condition que les entreprises, les gouvernements et les investisseurs agissent sans délai pour accélérer l'électrification propre, la décarbonatation d'autres énergies finales en plus de l'électricité et une amélioration de la productivité énergétique. L'urgence est telle qu'ils n'énumèrent pas des pistes mais plutôt plusieurs conditions à réaliser.
La décarbonatation presque totale de la production d'électricité et l'usage de l'énergie électrique dans un ensemble plus large d'activités pourraient être la source de l'abaissement de moitié des émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici 2040. L'effondrement des coûts des énergies renouvelables et des batteries de stockage rend cette alternative plus réalisable et dans des délais plus courts que prévu. Les gouvernements doivent renforcer les progrès déjà réalisés. Tant pis pour les chantres du libéralisme, ces fleurons emblématiques de la libre entreprise appellent à une politique publique plus forte et des investissements à grande échelle pour une sérieuse décarbonisation des activités – en particulier dans l'industrie lourde – qui ne peuvent pas fonctionner avec l'énergie électrique. "Nous connaissons les technologies qui pourraient y parvenir – comme la bioénergie, l'hydrogène et la capture et le stockage du carbone – mais les progrès réalisés en matière de réduction des coûts et de déploiement à grande échelle ont été trop lents." Les auteurs ne visent pas un monde sans pétrole ni charbon en 2040. "Cette transition permettrait une baisse de 30% de l'utilisation d'énergies fossiles, mais elles représenteraient toujours 50% du mix énergétique en 2040. Il sera nécessaire de favoriser le passage du charbon au gaz pour la production électrique, de maîtriser les fuites de méthane et d'abandonner le torchage du gaz aux côtés du développement des technologies alternatives pour décarbonner les secteurs difficiles à électrifier comme les transports lourds."
Au plan économique, "une révolution dans les améliorations de la productivité énergétique est techniquement réalisable, mais nécessite des politiques plus énergiques afin d'atteindre un taux de croissance annuel de 3,0% (contre 1,8% aujourd'hui)".
L'intérêt de ce rapport est le fait qu'il est le fruit d'une collaboration entre des acteurs investis dans les combustibles fossiles, des entreprises de production d'électricité, des industriels, aux côtés d'investisseurs, d'ONG environnementales et de chercheurs. "Ce n'est pas seulement un autre plan, c'est un meilleur plan ! Nous montrons comment le monde peut éliminer les obstacles pour transformer les défis en opportunités, non seulement dans les économies avancées, mais aussi dans les pays émergents", a indiqué Ajay Mathur, vice-président d'ETC, répondant à une question du site d'économie responsable (novethic).
L'investissement nécessaire pour cette transition – un supplément de 300 à 600 milliards de dollars chaque année – ne devrait pas poser de difficultés majeures dans un monde où l'épargne et les investissements globaux atteignent 20 000 milliards de dollars par an que les rédacteurs estiment raisonnable. Dans le détail, il s'agit d'une baisse de 3700 milliards de dollars des investissements dans les énergies fossiles, tandis que ceux dans les technologies bas carbone et l'efficacité énergétique requièrent respectivement une hausse de 6000 et 9000 milliards de dollars.
Mais comment faire pour que ce rapport ou cette étude ne soit pas une de plus ? Car si tout le monde s'entend sur à la fois la nécessité de limiter le réchauffement climatique et l'existence de moyens financiers et technologiques pour y parvenir, il reste que l'absence ou la faiblesse d'une gouvernance mondiale semble de plus en plus un handicap insurmontable. Pour avoir une chance d'infléchir les tendances actuelles qui mènent tout droit à un réchauffement de plus de 3°C à la fin du siècle, selon les experts du Giec (Groupe international sur l'évolution du climat), il faut inverser dès maintenant le cours des choses. Les désordres de l'économie mondiale (l'ultralibéralisme pour certains) qui ont engendré les vagues de nationalismes, voire de chauvinismes et de replis sur soi en Europe et en Amérique, en particulier, ne sont de nature ni à espérer la mise en œuvre de politiques publiques fortes en faveur du climat, comme le souhaitent les auteurs du rapport, encore moins l'avènement d'une coordination en faveur de l'intérêt général dont la problématique du climat.
R. S.


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