Le système de prix du lait pasteurisé tire la filière vers le bas. Pour les auteurs de l'étude, "avec de tels prix, l'activité n'est pas viable et ne tient que grâce aux subventions de la matière première". L'Association des producteurs algériens de boissons (Apab) a rendu public, hier à Alger, les résultats d'une étude sur le lait conditionné et les boissons lactées en Algérie. L'étude, réalisée dans le cadre de Cap-PME par les experts Mohammed Kaci et Salah Yahiaoui, évoque évolution qualitative indéniable du marché du lait dans notre pays. Longtemps limité à l'offre des entreprises publiques en lait pasteurisé conditionné en sachet et commercialisé avec un prix soutenu, le marché s'ouvre à de nouveaux producteurs privés qui offrent des produits innovants, mais à des prix libres. Au-delà de ce constat, l'étude révèle, chiffres à l'appui, une réalité plus complexe. S'appuyant sur les statistiques du Centre national du registre du commerce (CNRC) de l'année passée, l'étude indique que le nombre d'entreprises activant dans l'industrie du lait et des produits laitiers est de 778. Le secteur privé domine. La forme juridique de la Sarl et de l'Eurl des laiteries est dominante, avec 80% des enregistrements. Cependant, l'Office national interprofessionnel du lait (Onil) a répertorié 175 laiteries conventionnées en 2014. "Depuis, le nombre a augmenté, et on compte 182 laiteries en activité et quelques projets en cours (05 projets)", a précisé l'étude, évoquant une surcapacité. "Notre estimation, sur la base d'un échantillon de 79% et des hypothèses de fonctionnement minimalistes (01 équipe/j et 288 jours ouvrables), dégage une capacité de production annuelle variant entre 2,9 milliards de litres et 3,2 milliards de litres", révèlent les auteurs de l'étude. Cette capacité se traduit par une disponibilité par habitant variant entre 72 litres par an et 80 litres par an. À ce lait industriel, il faut ajouter le lait autoconsommé et le lait en poudre instantanée. L'étude évoque une sous-utilisation du potentiel de production puisque 50% des entreprises fonctionnent à moins de 50% de leur capacité, 80% à moins de 75% et seulement 20% travaillent à pleine utilisation. Ce constat rappelle celui des minoteries. Les auteurs de l'étude, indique l'environnement national de l'industrie du lait conditionné, est marqué par une intervention forte de l'Etat. La politique de l'Etat se manifeste en amont par la politique de soutien à la production du lait cru et à l'intégration, et en aval par le soutien du prix à la consommation. Cette intervention de l'Etat, structurante pour la filière, a, certes, favorisé le développement de la consommation, encouragé la production agricole et la collecte, mais elle a constitué un handicap à la diversification des produits transformés. "La filière du lait conditionné et du lait aromatisé demeure beaucoup moins rentable que la branche des industries agroalimentaires. Même le segment du lait UHT accuse un déficit de rentabilité", souligne l'étude. Le système de prix du lait pasteurisé tire la filière vers le bas. Pour les auteurs de l'étude, "avec de tels prix, l'activité n'est pas viable ; elle ne tient que grâce aux subventions de la matière première". Ils estiment que le retour au prix du marché peut permettre l'édification d'une industrie laitière pérenne. "Les aides de l'Etat indispensables au dispositif de la production du lait cru doivent être repensées et maintenues comme un grand apport pour le développement de la filière laitière", recommandent les auteurs de l'étude. Ils suggèrent la révision du mode de régulation du marché, en remplaçant la subvention du prix par une subvention ciblée des revenus et la libéralisation des prix de vente du lait, avec un renforcement du contrôle de la qualité du lait mis sur le marché. Ils citent, dans ce cadre, l'exemple des politiques menées au Maroc et en Tunisie. Les deux pays maghrébins ont mené des réformes profondes en libéralisant le marché de la consommation afin de diminuer les importations de la poudre de lait. Le résultat a abouti à une totale couverture des besoins en Tunisie et à une large couverture pour le Maroc. Meziane Rabhi