Quoique de vocation toute autre, le projet se présente comme un substitut au pacte économique et social (PESC) ayant codifié, jusqu'ici, le consensus tripartite autour notamment de la croissance. Le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, se fait particulièrement insistant sur l'idée de la construction d'un consensus économique. Il s'y est étalé encore, avant-hier, à l'occasion de sa tournée d'inspection au niveau de la capitale. Le projet est à son ultime phase de maturation. Il est sur la table du chef de l'Etat à qui il est soumis pour annotation-approbation avant sa proposition aux partenaires sociaux et politiques du gouvernement. La perspective que le nouvel Exécutif veut se donner se décline, au plan de la démarche, en strates, en trois, plus exactement : élaboration d'un document de travail (référence), sollicitation des avis des syndicats, organisations de la société civile et partis politiques, et, enfin, organiser la synthèse en conférence nationale. Au plan du contenu, les bribes d'indications livrées ne permettent pas d'en cerner avec précisions les contours. L'on sait néanmoins qu'il s'agira de rechercher un consensus le plus large possible autour d'une politique sociale que d'aucuns supposent davantage austère. "Le consensus est obligatoire dans les affaires qui concernent toute la nation. Nous sommes arrivés à une situation ou des gens sont devenus très riches et d'autres très pauvres. On touche à une politique qui dure depuis quatre décennies...le consensus doit se faire notamment sur les revenus qui incluent les aides de l'Etat", a indiqué le Premier ministre. Quoique de vocation toute autre, le projet se présente comme un substitut au pacte économique et social (PESC) ayant codifié, jusqu'ici, le consensus tripartite autour notamment de la croissance. Le Pesc traduisait l'engagement partagé des partenaires sociaux, l'UGTA et le patronat, à contribuer à apaiser le climat social pour ne pas gêner la dynamique économique. Evidemment, la contribution des organisations admises aux conclaves tripartites s'est avérée insuffisante, voire nulle. La raison est que, avec l'émergence des syndicats autonomes, le monde du travail échappe grandement à l'emprise quasi tutélaire de la Centrale syndicale. De même que la société civile s'est émancipée des traditionnels maillages partisans qui, jadis, parvenaient à la canaliser. D'ailleurs, le pacte économique et social de croissance a été plus une coquetterie politique qu'un outil de mobilisation pour l'essor économique. Mais ce n'est assurément pas l'inopérance du pacte qui a généré les ratés du développement économique. C'est, à coup sûr, la politique gouvernementale qui était inadéquate. Une politique avec laquelle Tebboune veut rompre. Dans le discours, au moins. Mais s'agira-t-il vraiment de rupture, lorsque l'on sait que le nouvel Exécutif projette ce que son prédécesseur aurait fait, tant est que la difficulté oblige, au plan social, à une politique d'austérité, que, fort possible, le gouvernement Sellal aurait eu du mal à conduire tant est que sa cote de popularité était au plus bas. La démarche de Tebboune n'est pas assurée, non plus, de réussite. Elle lui manque au moins un gage pour un éventuel succès : situer la responsabilité de la situation actuelle, de l'échec en somme. L'offre de Tebboune occulte la vraie question et présente la difficulté économique sinon comme une fatalité, en tout cas comme la résultante des seuls facteurs exogènes, principalement la chute drastique des prix du pétrole dès la fin de l'année 2014. Or, tous les experts le reconnaissant, la mauvaise gestion est pour beaucoup, sinon pour l'essentiel dans l'étranglement financier et économique actuel, le pays n'ayant pu se soustraire à la dépendance aux hydrocarbures malgré une dépense exceptionnelle se chiffrant à des centaines de milliards de dollars entre 1999 et aujourd'hui. Faute de pouvoir faire autrement, le gouvernement a décidé de couper dans le vif, opération difficilement supportable pour la société. Aussi, Tebboune veut-il la contribution du plus grand nombre possible, un élargissement du pacte économique et social aux partis politiques et aux syndicats jusqu'ici inéligible au dialogue dans sa forme multipartite. Un pari incertain. Puisque les syndicats autonomes poseraient déjà le préalable d'une association aux traditionnels tripartites. Les partis politiques de l'opposition ne seraient pas enthousiasmés par le projet. Le front des forces socialistes le dit. D'autres partis n'en pensent pas moins. Sofiane Aït Iflis