La traditionnelle réunion tripartite, «quinzième du nom», se transforme cette année en une «multipartite» aux allures de kermesse préélectorale. Des représentants de divers clivages y sont cordialement invités pour dire, surtout, leur accord sur la nouvelle stratégie économique du gouvernement. Outre les habituels convives –centrale syndicale et organisations patronales en l'occurrence –, de nouveaux partenaires prendront part à cette grande réunion. Syndicats autonomes, économistes libres-penseurs, intellectuels organiques seront ainsi de la partie. Cette année, on n'y négociera pas les seuils de bien-être des «smicards» ou des retraités. On y discutera d'enjeux bien plus impérieux : indépendance au pétrole et perspectives de décollage économique. La charte à suivre à cet effet serait déjà prête. Ne manquerait que le consensus, dont le gouvernement a besoin pour attester de sa bonne foi et montrer à quel point la sphère dirigeante est rompue aux valeurs consensuelles de la démocratie. Sinon, comment autant de beau monde, invités de la tripartite, pourrait, tous et le temps d'une seule rencontre présidée par le Premier ministre, faire vraiment entendre leurs voix ? Qui plus est sur des choix économiques aussi cornéliens que le contrôle du commerce extérieur à l'importation, la favorisation d'une production locale et, en somme, les conditions d'un passage d'un modèle économique basé sur la rente à un autre, qui ferait la part belle à une croissance du produit intérieur brut non pétrolier. Autant dire que la feuille de route de diversification de l'économie, concoctée par le gouvernement pour être servie dès aujourd'hui à la table de la tripartite, comporte déjà tout les ingrédients nécessaires pouvant agréer les uns comme les autres. Tripartite aux relents électoralistes aussi évidents que l'échec du pouvoir en place à réaliser de vitales réformes structurelles; la réunion d'aujourd'hui risque fort de ne servir in fine que de prolongement cérémonieux à la politique d'apaisement, mise en vigueur depuis plus de deux ans. Au plan social, l'essentiel de ce «programme» est déjà là : logement, soutien aux prix, transferts sociaux, subventions implicites… Au plan économique, où le risque d'un épuisement des fameux excédents de revenus pétroliers devient de plus en plus menaçant, le pouvoir a, en revanche, grand besoin d'apaiser les esprits. Quelques mesures d'encouragement de l'investissement, déjà proposées dans le projet de loi de finances pour 2014, et un simple consensus économique à formaliser, dès la tripartite d'aujourd'hui, pourraient suffire à conforter «l'édifice d'apaisement général» que le pouvoir en place s'évertue à ériger autour de lui.