Le pacte social — transformé en pacte de croissance sous l'effet des nouveaux défis économiques auxquels fait face le pays — est présenté comme le socle sur lequel le gouvernement compte s'appuyer pour mettre en œuvre son nouveau modèle économique, dont les grandes lignes ont été esquissées dimanche par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, lors de la tripartite gouvernement-syndicat UGTA-patronat. La conclusion d'un pacte social ou de croissance s'impose en temps de crise pour relancer l'économie. Mais pour susciter une large adhésion des travailleurs et des partenaires sociaux à ce projet, il faudrait que l'Etat montre l'exemple et commence par s'appliquer à lui-même la cure d'austérité à laquelle on invite les Algériens. Les scandales en série, qui ont éclaboussé le pouvoir dévoilant le visage hideux de la gouvernance associée à la corruption dans sa forme institutionnelle, ne plaident pas pour la réussite de ce pacte. Que vaut sur le terrain un pacte qui n'implique pas l'ensemble des partenaires sociaux ? Rejetés, pourchassés, interdits de manifestation, les syndicats autonomes ne se sentent pas concernés par ce pacte qui s'est fait sans eux. Les grèves et les sit-in enregistrés au niveau de certains secteurs montrent bien que le front social est peu perméable aux chants de sirènes des politiques et des syndicats-maisons qui manœuvrent derrière le dos des travailleurs. Un pacte social dans une conjoncture aussi difficile et incertaine doit engager toutes les forces vives de la nation et pas seulement les partenaires sociaux. C'est un pacte de solidarité nationale qui suppose la mobilisation de tous — partis, syndicats, patronat, travailleurs —, des objectifs clairement définis et une feuille de route avec un calendrier pour sa mise en œuvre. Tel qu'il a été pensé et conduit, le pacte économique et social n'engage que le cercle fermé des partenaires sociaux qui ont donné leur bénédiction au programme du gouvernement. Signe de la fragilité de ce pacte qui n'existe que sur papier, certains acteurs économiques siégeant à la tripartite ne se privent pas, à travers des déclarations, des positions de bousculer la cohésion de cet attelage nommé tripartite. Le dernier hiatus aura été l'annonce, à la veille de la tenue de la tripartite, par le patron du Forum des chefs d'entreprise (FCE) de la décision de prolonger l'âge de départ à la retraite à 65 ans. Un scoop balayé d'un revers de main par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui avait indiqué, bottant en touche Ali Haddad, qu'un accord avait été scellé entre le gouvernement et les partenaires sociaux fixant l'âge de la retraite à 60 ans sans condition d'âge. Que s'est-il donc passé pour que les deux hommes se télescopent sur un dossier aussi sensible sur lequel il n'y a, selon toute apparence, pas consensus ? Comment parier dans de telles conditions sur un pacte de croissance que l'on dit consensuel lorsque l'on s'aperçoit qu'il existe des divergences de fond dans l'approche économique de certains dossiers stratégiques comme la retraite ? Ahmed Ouyahia, le chef du Rassemblement national démocratique (RND) fait écho au patron des patrons, lui emboîtant le pas sur la nécessité de prolonger l'âge de la retraite au-delà de 60 ans. Et pour mieux enfoncer le clou, il n'hésite pas à ramer à contre-courant du gouvernement sur la question du recours à l'endettement extérieur lui privilégiant la solution interne. Ces saillies relevées dans l'entourage même de l'attelage des forces censées soutenir le programme du gouvernement, conjuguées aux difficultés financières que connaît le pays et à la menace de l'embrasement du front social du fait des retombées de la crise ne manqueront pas d'impacter négativement le pacte de croissance et le nouveau modèle économique du gouvernement. Investie de la mission impossible d'amortir les chocs sociaux, l'Ugta a réussi d'une certaine manière à éviter l'embrasement du front social grâce à la distribution de la rente. Avec la crise, elle n'aura aucun contrôle ni emprise sur les travailleurs menacés dans leur emploi. Le pacte social n'y pourra rien face à des revendications qui emporteront tout sur leur passage.