Le pacte social, cela fait tellement longtemps qu�on en parle. D�s la fin des ann�es 80, les �r�formateurs� du FLN, en �cho aux revendications de l�UGTA, lancent l�id�e de l�adoption d�un pacte social tripartite. La Centrale syndicale craignant de voir sa marge de man�uvre �tre s�rieusement rogn�e par des engagements pris dans un contexte politiquement et socialement instable, faisait la sourde oreille aux propositions du gouvernement. D�but des ann�es 2000, la nouvelle �quipe arriv�e aux affaires relance l�id�e et propose la conclusion d�un pacte �conomique et social. Le rajout du qualificatif ��conomique� �tait l� comme pour marquer l�imp�ratif d�une dichotomie voulue par le gouvernement : du social oui mais adoss� � une performance et une comp�titivit� �conomiques avec tout ce que cela comporte comme objectifs d�am�lioration de la productivit�, d�abandon de l��tatisme, de privatisations, d�ouverture �conomique, de lib�ralisation des prix... Le social n�est pas consubstantiel � l�Etat. Celui-ci ne porte pas en lui-m�me l�imp�ratif social quelle que soit la situation de l��conomie. Alors, certes les partenaires sociaux ont des exigences sociales mais ils ont aussi des devoirs �conomiques. Mais tout le probl�me est pr�cis�ment de d�finir ces devoirs �conomiques et de les situer dans un projet consensuel qui propose une allocation des ressources accept�e par tous et la justifie. Avant de voir tout cela dans le d�tail, relevons que c�est le pr�sident de la R�publique lui-m�me qui insiste, dans chacun de ses discours, sur la n�cessit� pour le gouvernement, le syndicat et le patronat de conclure un pacte �conomique et social (cf ses deux derniers discours, celui prononc� � l�occasion du 50e anniversaire de l�UGTA et celui, plus r�cent, prononc� au minist�re de la D�fense nationale � l�occasion de la promotion d�officiers sup�rieurs de l�ANP). Mais, � aucun moment, il n�a trac� les contours de cet accord tripartite ni pr�cis� ce qu�il en attend. C�est d�ailleurs l� une chance qu�il ait laiss� le dossier ouvert. Qu�est-ce qu�un pacte social ? Mieux encore, que pourrait �tre un pacte �conomique et social ? Il faut observer en effet que cette appellation de pacte �conomique et social est sp�cifique � l�Alg�rie (encore une sp�cificit� alg�rienne !!). Dans les pays � d�mocratie sociale avanc�e, on parle de pacte social. C�est dans les pays nordiques que la pratique de pacte social a le plus prosp�r�. Nous savons que dans ces pays, c�est le syst�me de d�mocratie de n�gociation qui est en �uvre, une d�mocratie sociale faite de dialogue, de n�gociation et d��laboration de consensus et non pas celui de d�mocratie de conflit (qui caract�rise par exemple le syst�me fran�ais), d�mocratique faite de revendications, de manifestations et de gr�ves syndicales. Dans les pays nordiques (Su�de, Dannemark, Finlande), le pacte social est un accord tripartite qui porte sur la politique sociale de l�Etat. Il d�finit plus express�ment les principes qui pr�sident � la politique de protection sociale, celle du pouvoir d�achat et des salaires, celle plus sensible encore du droit de travail et notamment le code du travail. Ce pacte est n�goci� par le patronat, les syndicats et le gouvernement. Il est adopt� et son application est suivie r�guli�rement par chacun des partenaires. Il est ren�gociable � d�lai d�fini, en principe 1 an. G�n�ralement, les syndicats revendiquent l�indexation salariale (indexer les salaires au co�t de la vie), l�assurance-ch�mage et un syst�me de protection sociale par r�partition fond� sur la solidarit� et la redistribution. Le recours � la gr�ve par les syndicats devient exceptionnel et les r�visions de la politique sociale par l�Etat ne peuvent avoir lieu qu�en concertation avec les syndicats. Le patronat, pour sa part, obtient un ensemble de �souplesses� qui touchent � la flexibilit� du march� du travail, la n�gociation du niveau de la pression fiscale qui p�se sur les entreprises ainsi que la r�vision des politiques salariales, tous ces dossiers ayant �t� discut�s lors de l��laboration du pacte social. Le gouvernement quant � lui d�fend la stabilit� macro�conomique, les �quilibres financiers internes et externes, la mobilisation des acteurs �conomiques pour une croissance �conomique robuste (sans d�ficit budg�taire et sans inflation) et durable. Bien �videment, ce pacte est un consensus, c�est-�-dire �une solution qui ne satisfait personne mais avec laquelle tout le monde peut vivre�. Une solution qui en tout cas fait avancer la soci�t� dans la r�solution de ses diff�rents probl�mes. Dans le cas de notre pays o� les partenaires sociaux semblent avoir accept� l��laboration et l�adoption d�un pacte social mais aussi �conomique, le consensus � obtenir s��largit aux grandes options et aux grands choix �conomiques. Quelle variante d��conomie de march� doit-on promouvoir ? Quel est le r�le de l�Etat dans la fabrication de la croissance �conomique ? Comment doit-on d�gager l��conomie de sa vuln�rabilit� actuelle et construire l�apr�s-p�trole ? Quels sont les contours de la nouvelle strat�gie industrielle ? Quelle est la politique concr�te de r�habilitation de l�entreprise dans le cadre de la mise en �uvre d�une politique de l�offre ? Pour la premi�re fois dans l�histoire �conomique de l�Alg�rie, nous avons l� une occasion qui doit �tre exploit�e s�rieusement, de d�battre enfin du projet �conomique que nous voulons pour notre pays. Il est vrai que le pacte �conomique et social en lui-m�me doit �tre de port�e plus modeste, mais il ouvre la voie � de bonnes discussions et il offre un cadre ad�quat de d�bat entre Alg�riens sur des perspectives �conomiques d�cennales. Jamais en Alg�rie, il n�y a eu de v�ritables occasions de tenir un d�bat s�rieux sur les meilleurs choix �conomiques possibles pour notre pays, ni sur le statut que doit avoir la politique sociale dans le projet global. Une �conomie efficace et comp�titive, un Etat redistributif, une coh�sion sociale retrouv�e. Comment y arriver et quel est le r�le de chacune des forces vives de l��conomie. Si le pacte �conomique et social ne met pas sur la table tous ces questionnements, m�me s�il ne doit pas y apporter, ici et maintenant, toutes les r�ponses, alors il sera r�duit � une ni�me tripartite banale, ronronnante et purement formelle. Le pacte �conomique et social a tellement �t� attendu. Il est aujourd�hui souhait� et soutenu par la plus haute autorit� du pays. Ses acteurs n�ont pas le droit de d�cevoir les attentes des Alg�riens. Et que l�on n�invoque surtout pas une quelconque contrainte de calendrier serr�. L�affaire est trop s�rieuse pour �tre b�cl�e ! A. B. P. S. : Si l�on en croit les informations rapport�es par la presse, le Forum des chefs d�entreprises, plus grande association patronale, ne serait pas autour de la table.