Le collectif rédactionnel n'est pas revenu occuper les lieux de travail vendredi, comme résigné à cette disparition de leur journal. "Si vous êtes venus visiter le journal La Tribune, je vous informe qu'il n'y a personne. Les locaux sont vides." C'est la réponse sèche d'un agent préposé à la sécurité de la Maison de la presse Tahar-Djaout qui, visiblement, est très gêné de nous annoncer que ce quotidien, né en octobre 1995, a disparu du paysage médiatique algérien. La nouvelle s'est répandue telle une traînée de poudre dans la presse nationale et sur les réseaux sociaux. Des appels de soutien et de compassion, mais aussi des appels à la solidarité pour que vive La Tribune fusent de partout. Mais cela ne se traduit pas par une effervescence au niveau de la Maison de la presse, encore moins au siège du journal qui a cessé de paraître depuis mercredi dernier, suite à une décision d'actionnaires. L'immeuble qui abrite La Tribune dégage une image d'une rare désolation. On a l'impression qu'on s'éloigne, petit à petit, des grands jours où la solidarité était de mise dans de pareilles situations. Le journal n'a pas paru jeudi. Le collectif rédactionnel n'est pas revenu occuper les lieux de travail vendredi, comme résigné à cette disparition de leur journal. Les locaux qui abritaient le journal sont vides. Tristement vides. Seul un agent pour assurer la sécurité des lieux. Aux alentours, même vide, même silence. Peu de journalistes dans la cour de la Maison de la presse. Aucun parmi ceux qui travaillaient à La Tribune. "Je n'ai pas croisé les journalistes de La Tribune. C'est bizarre. Après, même si la décision de fermeture est irrévocable, la visibilité du personnel est très importante", s'est limité à nous dire un confrère d'un quotidien national. Mercredi, alors que les journalistes confectionnaient le journal dans un climat de tension, les responsables ont informé le personnel qu'il serait inutile de se présenter le vendredi (hier, ndlr) tant qu'il y a une situation de blocage et que l'entreprise fait face à des dettes faramineuses. Selon nos sources, le ministère de la Communication, saisi mercredi dernier pour intervenir afin de trouver une solution, aurait refusé de s'immiscer dans cette affaire tant que le contentieux juridique n'est pas réglé entre les principaux actionnaires. D'autant plus que les héritiers Ameyar, actionnaires de la Sarl Omnium Maghreb presse, éditrice du journal La Tribune (46%), se sont manifestés pour dénoncer ce qu'ils qualifient de "décision illégale". "Nous devions saisir la présidente du tribunal de Sidi M'hamed début septembre pour qu'elle puisse nommer un mandataire afin de tenir une AGE pour statuer de l'avenir rédactionnel, mais aussi pour lancer un audit de la Sarl Omnium Maghreb presse (OMP)", ont écrit les héritiers Ameyar qui, par ailleurs, se sont solidarisés avec le personnel de La Tribune. Pour les deux actionnaires, il était impossible pour le journal de continuer à paraître, au vu de la situation financière de la Sarl, qui est déficitaire depuis 2002, ajouté aux problèmes d'ordre statutaire. Et c'est devant cet état de fait que ces deux propriétaires ont décidé de recourir à la justice pour dissoudre la Sarl Omnium Maghreb presse et, par voie de conséquence, le quotidien La Tribune. À moins qu'il y ait des tractations en cours entre les actionnaires pour trouver une issue et sauver ce titre d'une disparition certaine, La Tribune ne paraîtra plus. FARID BELGACEM