C'est presque devenu dans le jargon des journalistes un "marronnier", c'est-à-dire un sujet récurrent consacré à un événement précis. Ainsi, chaque automne, les commémorations des massacres du 17 Octobre 1961 et des violences qui les ont suivis sont marquées par des appels pour la reconnaissance officielle par la France de l'une des plus grandes tragédies de la Guerre d'Algérie. Un appel qui, à ce jour, n'a jamais été entendu. Fraîchement intronisé candidat officiel du Parti Socialiste (PS) français à l'élection présidentielle de 2012, François Hollande avait signé aux côtés de personnalités telles Stéphane Hessel, Edgar Morin, Raymond Aubrac ou encore Jean Daniel un appel pour la reconnaissance du 17 Octobre 1961 comme "crime d'Etat". Dès sa première sortie après les primaires socialistes, il avait tenu à rendre hommage aux manifestants algériens du 17 Octobre 1961, victimes de la répression policière. "Il faut que la vérité soit dite. Sans repentance, ni mise en accusation particulière, a souligné François Hollande. Reconnaître ce qui s'est produit. Aujourd'hui, je le fais en tant que socialiste. Ensuite, ce sera sans doute à la République de le faire...", avait-il promis. Une fois devenu président de la République française, Hollande avait même assisté en 2011 à l'inauguration d'une plaque commémorative à Paris. Mais point de reconnaissance. En fait, cette volte-face du président français n'est pas si surprenante qu'elle n'y paraît. Et pour cause ! Aucune pression directe ou indirecte ne viendra d'Alger pour rappeler les promesses non tenues par l'ancienne puissance coloniale. Ainsi, la proposition de loi criminalisant le colonialisme français (1830-1962) qui avait été déposée, en bonne et due forme, à la Chambre basse du Parlement algérien ne connaîtra, pour sa part, aucune suite, car vraisemblablement bloquée en haut lieu. Sur un autre plan, les autorités algériennes ont tendance à tenir dans la plus grande suspicion notre communauté en France dont la contribution, faut-il rappeler, à la Révolution algérienne a été déterminante. Par exemple, la nouvelle Constitution réserve désormais l'accès à des postes à haute responsabilité de l'Etat à ceux qui n'ont que la nationalité algérienne. Dès lors qu'on interdit à ces millions d'Algériens d'outre-mer de jouer un rôle politique dans leur pays d'origine, on ne peut qu'occulter le fait que c'est précisément en France qu'est né le premier parti patriotique pour l'indépendance de l'Algérie. Cette discrimination qui n'a rien d'innocent sur le plan politique et qui prive l'Algérie d'un vivier de compétences important correspond, en elle-même, à un "déni de mémoire" qui fait écho à celui de l'ancienne puissance coloniale. Mohamed-Chérif LACHICHI