Le 17 octobre 1961, une page sombre et tragique de l'histoire de France. Ce jour-là et les jours suivants, un crime d'Etat a été commis par la police de Paris contre les Algériens en lutte pour leurs droits et leur dignité. N'est-il pas temps, 51 ans après, de reconnaître ce crime perpétré au nom de l'Etat français ? Président de la République, François Hollande franchira-t-il enfin ce pas après qu'il eut, candidat socialiste à l'élection présidentielle, demandé sa reconnaissance ? Paris. De notre correspondante
Il faut reconnaître ce qui s'est passé le 17 octobre 1961. Il s'est passé, une tragédie. Je l'ai reconnu, j'ai signé des pétitions dans ce sens et par ma présence aujourd'hui à cette cérémonie», déclarait François Hollande – qui venait d'être investi comme candidat de la gauche contre Nicolas Sarkozy – en déposant une gerbe, lundi 17 octobre 2011, au pont de Clichy à la mémoire des Algériens massacrés le 17 Octobre 1961. Et d'ajouter qu'«il faut toujours avoir le sens de ce qu'a été notre histoire, avec ses devoirs et parfois ses ombres». François Hollande, qui était accompagné de l'historien Benjamin Stora et Jean-Luc Einaudi qui ont contribué à révéler la réalité de cette journée du 17 octobre 1961 et de son proche conseiller, Faouzi Lamdaoui, avait expliqué qu'il avait prévu depuis longtemps d'être présent à ce rendez--vous. «Je voulais être là, fidèle à la promesse que j'avais faite. Je suis venu témoigner de ma solidarité aux enfants, petits-enfants de ces familles endeuillées par ce drame», avait-il déclaré. Pour rappel, le Parti socialiste ainsi que les dix sénateurs d'Europe Ecologie Les Verts (EELV) ont demandé, vendredi 14 octobre 2011, la reconnaissance officielle du massacre du 17 Octobre 1961. «Le Parti socialiste demande que la France reconnaisse officiellement ces événements tragiques et facilite l'accès aux archives pour les historiens, dans un esprit de justice et de vérité», ont affirmé dans un communiqué Harlem Désir (premier secrétaire du PS par intérim) et Pouria Amirshahi, secrétaire nationale (droits de l'homme). Pour eux, «cette page sombre de notre histoire a longtemps été ignorée ou masquée. Il est aujourd'hui temps que notre pays reconnaisse ces faits et que les responsabilités dans les violences commises soient établies et reconnues. Il est temps pour notre pays de rendre hommage à ces victimes et à leur mémoire». «Cette reconnaissance permettra enfin d'avancer réellement vers la pleine réconciliation entre les peuples français et algérien, essentielle pour bâtir de nouvelles relations tournées vers notre avenir commun», assurait le PS. Dans un communiqué distinct, les dix sénateurs écologistes ont affirmé que «ce massacre enfoui au plus profond de la mémoire collective, effacé des livres d'histoire, ignoré des plus jeunes, constitue l'un des plus importants crimes d'Etat commis dans la France moderne» et «demeure à ce jour totalement impuni». Ils exigent enfin la dissolution de la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, mise en place par la loi du 23 février 2005 qui promouvait «le rôle positif de la colonisation». Première plaque commémorative en 2001 Le maire de Paris a été la première personnalité politique de haut rang à apposer, en 2001, une plaque commémorative sur le pont Saint-Michel. Depuis, des plaques commémoratives ont été dévoilées un peu partout. «J'ai voulu que ce crime couvert ou décidé par les autorités de la France, que ce crime dont je considère qu'il est une faute politique et morale, soit au moins reconnu par la capitale de la France», avait rappelé Bertrand Delanoë le 17 octobre 2011. Au fil des manifestations et initiatives, chaque année plus nombreuses, le travail des historiens, de témoins, ont contribué à lever le voile sur cette amnésie d'Etat. Un «Appel pour la reconnaissance officielle de la tragédie du 17 octobre 1961», lancé par le site d'information Médiapart en octobre 2011 pour le «souvenir» et «pour l'apaisement entre la France et l'Algérie» a été signé par des dizaines de personnalités, dont les résistants Raymond Aubrac, le résistant, ambassadeur et écrivain à succès d'Indignez-vous ! Stéphane Hessel, les socialistes Martine Aubry et François Hollande, le sociologue Edgar Morin, le philosophe Régis Debray, l'ancien Premier ministre Michel Rocard, Jean Daniel, fondateur du Nouvel Observateur, les écrivains Azouz Begag, Didier Daeninckx, Nancy Huston ou François Maspero, le directeur des Temps modernes Claude Lanzmann, l'éditeur François Gèze…. «La répression policière de cette protestation non violente est une des pages les plus sombres de notre histoire. Longtemps dissimulée à l'opinion et désormais établie par les historiens, elle fut féroce : 11 000 arrestations, des dizaines d'assassinats, dont de nombreux manifestants noyés dans la Seine, tués par balle, frappés à mort», est-il écrit dans cet appel. «Le temps est venu d'une reconnaissance officielle de cette tragédie dont la mémoire est aussi bien française qu'algérienne. Les victimes oubliées du 17 octobre 1961 travaillaient, habitaient et vivaient en France. Nous leur devons cette justice élémentaire, celle du souvenir», est-il ajouté. «Reconnaître les crimes du 17 Octobre 1961, c'est aussi ouvrir les pages d'une histoire apaisée entre les deux rives de la Méditerranée», selon ce texte, qui appelle à «construire une nouvelle fraternité franco-algérienne». Un appel toujours d'actualité d'autant que les socialistes, et le premier d'entre eux, François Hollande, qui avaient appelé à la reconnaissance de cette page d'histoire, sont aujourd'hui aux commandes de l'Etat.