Intronisé hier par une messe papale, le nouveau maître du Vatican doit faire avec une Eglise dont le centre de gravité s'est déplacé vers les pays du Sud où vivent aujourd'hui la majorité des catholiques. Un tiers environ des six milliards d'habitants de la planète sont des chrétiens et, parmi eux, un peu plus de la moitié est catholique. Sur les deux milliards de chrétiens, seuls 800 millions vivent dans les pays industrialisés, selon le Centre américain pour l'étude de la chrétienté. En outre, si la population chrétienne d'Europe est en baisse et vieillit, les chrétiens de l'Afrique, de l'Amérique du sud et de l'Asie, sont, eux, de plus en plus nombreux. La planète devrait compter quelque trois milliards de chrétiens vers 2050, dont seulement un cinquième dans les bastions originelles de le chrétienté. Cette équation démographique ne transparaît pas encore dans la haute hiérarchie catholique. Sur les 117 cardinaux, 58 sont européens et 14 nord-américains, largement plus nombreux que leurs pairs du Sud. Les catholiques du Sud, qui ont accueilli avec ferveur Benoît XVI, un Européen conservateur, estimant que la promotion d'un des leurs n'est qu'une question de temps, dénoncent du bout des lèvres “l'eurocentrisme du Vatican”. Mais, les curies à la tête des hiérarchies catholiques conservatrices et dogmatiques n'appréhendent pas de la même manière cette tendance car, pour elles, les églises créées par des missionnaires à travers le monde, durant la période d'expansion coloniale, acquièrent, de plus en plus, d'indépendance, avec leurs propres priorités et leurs différences liturgiques. Particulièrement en Afrique et en Amérique latine où les priorités sont définies par le développement, la pauvreté et l'état sanitaire, bien plus que par la morale sexuelle, question qui préoccupe, en revanche, la chefferie catholique dans les pays riches. Quand les Eglises du Nord se décideront-elles à prendre au sérieux les grandes questions du Sud, se demandent les Eglises du Sud pour qui la polygamie est une question bien plus importante que ne l'est l'homosexualité, le sida plus terrifiant que la protection selon les canons de l'Eglise et le partage des richesses plus préoccupant que les luttes de clochers… Le successeur de Jean-Paul II, le plus international parmi les papes, devra certainement répondre à une demande croissante de collégialité, afin que les évêques de tous les continents jouent un rôle plus important dans son gouvernement. À moins qu'il ait été choisi le temps de voir plus clair. Benoît XVI, qui promet de suivre la voie de son prédécesseur, est âgé de 78 ans. D. B.