Assis aux premiers rangs, le protocole du Vatican ayant opté pour l'ordre alphabétique français, par pays, entre le président allemand Horst Koelher, l'Albanais Alfred Moisiu, pas loin du vice-président sud-africain Jacob Zuma et de l'Afghan Hamid Kharzai, Abdelaziz Bouteflika était l'un des trois chefs d'Etat arabes et musulmans, aux côtés du président syrien Bachar Al Assad et du roi de Jordanie Abdallah II, à avoir marqué de sa présence la cérémonie des obsèques historiques du souverain pontife Jean-Paul II. Les autres chefs d'Etat musulmans, qui étaient présents à Rome, sont le président iranien Mohammad Khatami, qui a expressément demandé, à l'instar de son homologue syrien, de ne pas être installé près de Bush, le Libanais Emile Lahoud (chrétien) et le Sénégalais Abdoulay Wade. Les autres pays musulmans ont préféré envoyer de simples représentants, entre ministres et princes, comme le Maroc qui a délégué le frère du roi, moulay Rachid, l'Egypte son ministre de la Culture ou le Bangladesh qui a envoyé son ministre de l'Alimentation et des Catastrophes naturelles. Bouteflika avait eu l'occasion de connaître personnellement Karol Wojtyla, en 1999, lors de sa visite officielle en Italie. Jean-Paul II avait accordé une audience privée au président dans la bibliothèque du Vatican. A l'issue d'un entretien de plus d'une demi-heure, le chef de l'Etat lui avait offert une petite statue, en terre cuite, représentant saint Augustin. Le souverain pontife avait été touché par ce geste, selon ses collaborateurs. Plus récemment et avant la mort du pape, les autorités du Vatican avaient pensé à inviter un représentant du gouvernement algérien pour la béatification du père Charles de Foucauld, l'ermite de Tamanrasset, qui était prévue le 15 mai prochain, avons-nous appris de sources proches du Saint-Siège. Le successeur de Jean-Paul II aurait la latitude de confirmer cette béatification, s'il le désirait. Jean-Paul II, même s'il ne s'était jamais rendu en Algérie, comme il l'avait fait dans les deux autres pays maghrébins (Tunisie et Maroc) n'avait pas cessé de condamner la violence contre les civils durant les années noires du terrorisme. Après la période de froid qui avait suivi la malheureuse initiative de la communauté catholique de Sant'Egidio, considérée comme l'instrument d'une véritable diplomatie parallèle du Vatican, et qui avait cherché par son « contrat de Rome » à résoudre la crise algérienne ignorant l'extrême irritation du Pouvoir, les rapports entre Alger et le Saint-Siège se sont détendus. Le pape avait appelé, à maintes reprises, lors des inondations ou du dernier séisme, à prêter assistance aux Algériens. Deux absences remarquées hier : celle du président chinois, qui a déserté la cérémonie à cause de la présence du président de l'île de Taiwan (considérée par Pékin comme faisant partie de la Chine) et celle du président russe. L'Eglise orthodoxe russe, que Jean- Paul II n'a pas réussi à réconcilier avec son Eglise catholique, a même empêché la télévision locale de retransmettre des funérailles. C'est dans une ville blindée, pour assurer la sécurité des 2000 personnalités présentes, que les obsèques de Jean-Paul II se sont déroulées. Plus de 10 000 agents de sécurité, 8000 volontaires et 20 000 employés de la commune de Rome ont veillé au bon déroulement de la cérémonie funéraire. Il faut dire que les foules qui étaient rassemblées sur et aux abords de la place Saint-Pierre étaient d'une discipline impressionnante. Depuis la mort du pape, samedi dernier à l'âge de 84 ans, l'interminable pèlerinage des chrétiens (estimés à plus de 3 millions par le Vatican) vers Rome n'a enregistré aucun incident et malgré le trafic automobile saturé, la ville n'a pas été paralysée. Les prévisions météorologiques avaient annoncé une matinée pluvieuse, mais au grand soulagement des autorités du Vatican et de leurs invités de marque, il y avait seulement un fort vent qui s'est élevé et à fait se hisser le surplus de couleur pourpre caractéristique des cardinaux, la cérémonie s'est déroulée comme le voulait le service du protocole du Vatican. Réglée dans ses moindre détails, la célébration a offert un spectacle de magnifique organisation et de parfaite représentation scénique. Le cercueil de cyprès contenant la dépouille de Jean-Paul II, dont le visage avait été couvert d'un linceul de soie blanche selon sa volonté exprimée dans le testament, a été déposé sur un tapis rouge à même le parvis de la basilique Saint-Pierre, devant l'autel et sous des chants grégoriens. Des centaines de milliers de personnes, surtout des jeunes dont certains venus de loin, ont suivi les obsèques. Certains ont brandi le drapeau de la paix que le président George W. Bush, présent à la cérémonie, ne pouvait ne pas voir. Une heure à peine après le début de la célébration de l'homélie par le cardinal allemand Jozeh Ratzinger (77 ans) doyen du collège des cardinaux et très proche du pape, les responsables de la commune de Rome ont appelé les fidèles à ne plus se rendre à la place Saint- Pierre les invitant plutôt à se diriger vers les autres places de Rome où des écrans géants, retransmettant en direct l'événement, ont été dressés. Avant la fin de la messe, des applaudissements très nourris de la foule ont longtemps acclamé « Giovanni Paolo II, santo » (Jean-Paul II, saint, en italien), exprimant ainsi le souhait de plusieurs Italiens et Polonais, qui avait été évoqué ces derniers jours, de voir Jean-Paul II proclamé saint par l'Eglise. Le cardinal Ratzinger, visiblement ému, a attendu que la foule retrouve le calme pour prononcer l'oraison funèbre. A la fin de la longue cérémonie, la cloche de la basilique Saint-Pierre a sonné le glas, avant que le cercueil contenant la dépouille de Karol Wojtyla ne soit porté en procession pour être enterré à même la terre, dans la crypte qui se trouve dans les sols de la basilique Saint-Pierre. Auparavant, le cercueil en cyprès devait été enfermé dans un autre de zinc, lui-même déposé dans un troisième de chaîne rouvre. Les Italiens et le reste du milliard de catholiques dans le monde attendront, à présent, un autre événement puisque la conclave des 117 cardinaux, qui s'isoleront à partie de lundi 18 avril, dans la cité du Vatican, sans pouvoir communiquer avec les autres, devra élire un nouveau pape. Cela pourrait durer des jours entiers, avant qu'une fumée blanche s'élevant dans le ciel du Vatican ne vienne annoncer l'élection du souverain pontife. En attendant, les Romains, laïcs ou non, ne cachent pas leur soulagement de voir la quiétude revenir à leur ville éternelle et le phénomène désormais baptisé la « papafolie » qui a fait qu'une marée impressionnante composée de millions de fidèles ait marché sur Rome, durant les derniers jours, contenu. « C'est la faute à la foi », ont expliqué les moins croyants, « non, c'est l'œuvre de la télévision », ont rétorqué les plus sceptiques.