L'accès a été interdit aux badauds, habituellement très nombreux à fréquenter cette artère représentant le cœur de la capitale. Le très attendu bain de foule du président français, Emmanuel Macron, hier à Alger, était loin de ressembler à ceux réservés, auparavant, à ses prédécesseurs, notamment François Hollande et Jacques Chirac. En cette journée printanière, Macron s'est offert un bain de... soleil, plutôt qu'un bain de foule. Les citoyens étant empêchés en amont d'accéder à l'itinéraire prévu pour le passage du locataire de l'Elysée, à la rue Larbi-Ben-M'hidi (ex-rue d'Isly), hautement quadrillée par un dispositif de sécurité grandement renforcé. En effet, la rue Ben-M'hidi a été quasiment vidée de ses occupants "civils". L'accès a été interdit aux badauds, habituellement très nombreux à fréquenter cette artère représentant le cœur d'Alger. Mieux, la police a procédé à l'évacuation des téméraires et à l'interpellation de nombre d'entre eux avant-même l'arrivée du cortège présidentiel. Parmi les personnes arrêtées, un jeune homme brandissant, à proximité de la Fac centrale, une banderole sur laquelle était écrit : "Macron dégage !" Une pancarte que le président français n'aura peut-être pas eu le temps de voir. Il ne faut tout de même pas lui faire subir une telle irrévérence ! Pas cette tache dans ce décor fraîchement peint ! Pas sur cet itinéraire hautement sécurisé, long de plusieurs centaines de mètres, que Macron et ses accompagnateurs allaient emprunter. Le président français prendra tout son temps pour effectuer le trajet entre la Grande-Poste et la place Emir-Abdelkader où il restera près de deux heures. Un temps qu'il consacrera à un point de presse accordé au nombre limité de journalistes, triés sur le volet par les services de la Présidence, avant de "s'engouffrer" dans la librairie du Tiers-Monde où il accordera deux interviews, l'une au journal électronique algérien TSA, l'autre à la chaîne publique française France2. C'est vers midi qu'Emmanuel Macron arrive pour son bain de foule. Il sera accueilli par des youyous stridents poussés par un groupe de femmes portant le voile traditionnel, le fameux hayek. Pour cette visite, dans l'une des principales rues d'Alger, Macron sera accompagné par le président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah, le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, le wali d'Alger, Abdelkader Zoukh, ainsi que le P/APC d'Alger-Centre, Abdelhakim Bettache. Durant le trajet, il sera apostrophé à plusieurs reprises par des citoyens qui ont réussi à tromper la vigilance des éléments de sécurité. Il sera interpellé sur quelques questions qui fâchent. "M. Macron, les jeunes veulent des visas", lui lancent des groupes de jeunes qui étaient derrière les haies métalliques de sécurité, dressées tout au long de son parcours pédestre. Des interpellations habilement zappées par le président français. Ce qui ne sera pas le cas sur la question mémorielle, à savoir la repentance longtemps réclamée par les Algériens. "Quand vous êtes venu en tant que candidat, vous avez promis de demander pardon pour les crimes coloniaux commis par la France en Algérie. Mais depuis votre élection comme président, vous n'en parlez plus. Pourquoi cette inconstance, cette incohérence ?", lui lance un quinquagénaire, sans émotion apparente. "Je ne suis pas quelqu'un d'incohérent, c'est la même personne qui vous parle", réplique M. Macron. À son tour, un jeune le relance sur le même sujet. "Qu'en est-il de la repentance de la France, M. Macron ?", lui demande-t-il. Le jeune homme a eu droit à une réponse, pour le moins moralisatrice : "Vous êtes jeune. Vous ferez donc mieux de penser à votre avenir plutôt qu'aux questions du passé." Il convient de signaler, enfin, que M. Macron ne s'est pas rendu, on ne sait pour quelle raison, à la Fac centrale, comme annoncé dans le programme initial de sa visite. Farid Abdeladim