C'est moins le jeu "Blue whale challenge" qui doit interpeller que l'état psychologique dans lequel se trouve les victimes. Il faut, en effet, se demander pourquoi ces personnes en sont-elles venues à passer à l'acte suicidaire ? Comment un jeu sur le Net peut-il conduire à ce type de comportement extrême ? Quelles sont les personnes qui sont concernées ? Il s'agit d'adolescents. Une période de la vie particulière caractérisée par une immaturité psychologique et une porosité psychique qui en fait des êtres fragiles et facilement suggestibles (influençables). Mais c'est aussi un période de la vie où la curiosité est excessive et où la recherche de sensations nouvelles et fortes est à son extrême. Le climat est donc propice à toute nouvelle expérience, aussi dangereuse soit-elle. Le jeu avec la mort en est une. Mais il n'y a pas que cela. Il faut également, pour bien comprendre pourquoi ces jeunes esprits sont facilement manipulés, tenir compte du bagage intellectuel dont ils disposent. Le système scolaire algérien enferme durant toute leur scolarité les enfants dans une pensée dogmatique où le mysticisme le dispute au religieux. Les élèves n'ont pas appris à raisonner, ils sont incapables de sens critique et leurs facultés de discernement sont bridées par l'obscurantisme. Ils sont encore plus suggestibles, ils constituent, de ce fait, des proies faciles pour toute espèce d'individus qui s'érigent en tuteurs et/ou en manipulateurs des consciences. Il n'est pas inintéressant de relever, pour les cas qui nous intéressent, un possible phénomène de contagion. Nous sommes, en effet, en droit de nous demander si le challenge se fait avec le jeu lui-même ou si la compétition se passe entre camarades du même lycée. Les victimes vivent — il faut le rappeler — dans la même région et sont, pour certaines, scolarisées dans le même établissement. L'hypothèse de la contagion — l'effet Werther ou encore le "suicide en grappes", phénomène rapporté par un sociologue américain à la suite de la parution du livre de von Goethe (Les souffrances du jeune Werther) — participe justement de cette suggestibilité propre à ce type de personnes. Il faut, sans doute, aussi regarder de plus près l'état de santé mentale de l'adolescent concerné par le geste suicidaire. La jeune personne qui passe à l'acte se trouve quelquefois, sinon souvent, en souffrance psychique grave pour des raisons qui peuvent être différentes d'un sujet à un autre. Le geste suicidaire ne répondant plus alors à un quelconque challenge, mais s'inscrivant plutôt dans un réel désir de mourir pour échapper à la souffrance générée par une maladie débutant à cette période de la vie. Dans tous les cas, c'est moins le jeu incriminé que l'état psychologique du joueur qui doit être pris en compte. Le jeu devient dangereux dès lors qu'il est entre les mains de personnes vulnérables et susceptibles de subir son influence. Il peut alors, par sa nature, être le déclencheur, le catalyseur du passage à l'acte suicidaire. Tous les jeux sur le Net peuvent être dangereux parce que les individus en abusent. L'abus est justement le véritable nœud du problème, notamment chez les enfants et les adolescents. Le défi des autorités de notre pays, en particulier du ministère de l'Education, est d'aller au devant de ce problème, afin d'en prémunir notre jeunesse. La cyberaddiction n'est pas une vue de l'esprit. Elle est une réalité de plus en plus tangible dans notre pays. Parce que l'Internet est dans notre téléphone, cette addiction comportementale peut occasionner des dégâts considérables, au moins aussi importants que la consommation des drogues "conventionnelles". M. B. (*) docteur en Psychiatrie