Pour comprendre l'un des évènements les plus marquants de l'année 2017, il faut d'abord savoir que la tendance séparatiste catalane ne date pas d'hier. En effet, ce référendum est le fruit de 80 ans de quête d'indépendance des catalans : En 1979, le rétablissement du nom de l'entité politique catalane après 40 ans d'absence durant le régime dictaturiste de l'Espagne franquiste. Puis en 2006, l'accord de 1979 est remplacé grâce aux parlementaires catalans par un nouveau statut ‘d'autonomie de la Catalogne' ; Sauf qu'en 2010, 14 articles du nouveau statut sont abolis par le Tribunal Constitutionnel au nom de l'unité nationale. Ce dernier refuse l'expression d'une ‘nation catalane' ainsi que l'utilisation du catalan comme référence dans l'administration. En plus de cette décision, perçue comme humiliante pour le peuple catalan, en 2012 les catalans avaient demandé de bénéficier des mêmes privilèges fiscaux que le Pays Basque, c'est-à-dire percevoir eux-mêmes leurs recettes fiscales et pouvoir décider de leur utilisation, cette demande a malheureusement été suivie d'un refus de la part du gouvernement espagnol. Ces deux évènements ont principalement contribué à la montée de l'indépendantisme et ont été déclencheurs d'indignation au sein du peuple catalan. De quoi faire germer de multiples revendications pour ‘le droit de décider' ainsi que la nécessité d'établir un référendum. Ce n'est alors qu'en 2014 que s'effectue un référendum symbolique avec 80,7% de ‘oui' pour l'indépendance. Les élections parlementaires placent à leur tour une large coalition ‘d'indépendantistes' au sein du parlement qui ont essayé d'organiser le 1er Octobre 2017 un vote pour l'auto-détermination. Ce dernier est jugé comme non-valable par le Tribunal Constitutionnel. C'est là que débute le bras de fer entre Madrid et Barcelone. Faisant fi de ce refus, le référendum du 1er Octobre est quand même organisé, avec plus de 2,2 millions de votants dont 90% ont dit ‘oui' à une Catalogne indépendante. Certes, Madrid a de son côté fait la sourde oreille face l'appel catalan, tandis que dans la rue, plusieurs affrontements ont été enregistrés entre la police et les votants faisant cas de plusieurs blessés des deux côtés. A l'international on ne dénotera aucune réaction officielle, mis à part quelques indignations de députés face aux images des heurts, et un appel des syndicalistes dès le 3 Octobre à une grève générale. La Catalogne peut-elle vraiment prétendre à une république indépendante ? La Catalogne représente 6,3% de la superficie d'Espagne, et 16% de sa population. Etant une région ‘autonome', elle dispose d'une langue et d'une culture propres à elle : Le castillan et le catalan sont ses deux langues officielles mais, à l'école, les cours sont donnés en catalan. Elle possède également son propre parlement, et sa propre police. Elle se charge aussi elle-même des questions d'éducation, de sécurité et de services sociaux. La Catalogne contribue à 20% du PIB espagnol, ce qui alarme sur les potentielles répercussions économiques qu'entraînera sa séparation de l'Espagne. En outre, elle est le siège d'industries de pointe et de centres de recherche dans des domaines tels que le nucléaire ou la biomédecine. Elle est aussi à l'origine de 25% des exportations espagnoles, et enregistre un taux de chômage de 13,2%, soit quatre points de moins que le reste du pays. Inconvénients ? La Catalogne est en revanche l'une des régions les plus endettées du pays avec une dette publique atteignant les 35,2% de son PIB. Elle n'est également pas compétente en termes de défense, de fiscalité et de relations internationales, ces derniers agissent considérablement contre sa volonté indépendantiste. Bien plus que des conséquences économiques... Outre ses répercussions territoriales, politiques et économiques, la séparation entraînera des répercussions sur le sport, notamment dans le football. Une éventuelle sécession induirait une exclusion du Barça du championnat national, de quoi faire s'écrouler la Liga. Aussi, les conséquences sur l'Union Européenne ne sont pas à négliger, du moment que, dans le cas d'un ‘divorce' avec l'Espagne, la ‘doctrine de Prodi' sera appliquée : L'ancien président de la commission européenne Romano Prodi avait déclaré en 2004 qu'un Etat né d'une sécession au sein de l'UE ne serait pas automatiquement considéré comme faisant partie de l'UE. Il faudrait consulter la Commission et le Parlement, obtenir un vote du Conseil européen à l'unanimité et faire ratifier un accord d'adhésion par tous les états membres. Une catalogne indépendante devrait ainsi négocier son entrée dans l'Union Européenne. Toutefois les indépendantistes ne manquent pas de contradictions ; ils continuent ainsi de manifester leur protectionnisme sans pour autant nier leur attachement à l'Europe. Enfin, ce vent de fronde, pourrait bien avoir raison du premier ministre espagnol Mariano Rajoy ; toujours hanté par l'image déplorable laissée des affrontements autour de ce référendum. Et quand bien même parvenait-il à rester à la tête du gouvernement, Rajoy sera-t-il le plus à même pour négocier avec les Catalans, qui aujourd'hui sont plus déterminés que jamais? C'est sûr, on ne verra pas le bout du tunnel de si tôt. Meryem ABDELLI (Partenariat Réd-DIG-"Liberté" (#RDL)/Alumni (HEC) )