La décision prise par le chef de l'Etat de consacrer Yennayer journée chômée et payée est considérée à Bouira non seulement comme une "victoire", mais aussi le "fruit d'un long combat" initié par les générations antérieures. C'est, du moins, ce qu'affirment la plupart de nos interlocuteurs interrogés sur le sujet. Ainsi, pour Mazigh Tamsaouet, membre actif du Collectif libre des étudiants de l'université de Bouira, "la reconnaissance de Yennayer est le fruit du combat de plusieurs générations", avant de préciser : "Mais ce n'est qu'un élément de notre culture amazighe nord-africaine. À travers ces avancées, le combat identitaire démontre toute sa vitalité et sa viabilité." Au sujet de la création d'une Académie algérienne de la langue amazighe, l'étudiant ne cache pas son satisfecit : "Nous accueillons avec une certaine joie cette décision de mise en place de l'Académie tout en formulant le souhait de la voir confiée aux spécialistes de la question amazighe à même de consolider et de fructifier les acquis et les avancées enregistrées." Kaci Saïdani, porte-parole de la cellule de crise des étudiants de l'université de Bouira, estime, quant à lui, que "certes, l'officialisation de Yennayer est un grand pas et un acquis pour le combat identitaire amazigh, mais elle reste une ruse pour absorber la colère du peuple amazigh". Pour l'intervenant, "il est temps que tamazight, langue nationale et officielle, soit utilisée dans toutes les institutions de l'Etat et étudiée dans toutes les écoles (...)". Et de conclure en affirmant que "les derniers événements ont démontré que les citoyens algériens, notamment les étudiants, sont conscients, convaincus et prêts à porter le flambeau du combat des générations antérieures, mais ils ont aussi démontré que nul ne peut toucher à leur identité, à leur culture et à leur langue". De leur côté, les enseignants du Département de langue et culture amazighes (DLCA) de l'université de Bouira "saluent" cette décision, tout en rappelant que décréter Yennayer comme journée nationale fériée, chômée et payée faisait partie de leur plateforme de revendications depuis plusieurs années déjà. En outre, ces enseignants souhaitent que le gouvernement aille plus loin, notamment en "encourageant la promotion de la langue amazighe dans le domaine de l'information et de la communication, à savoir la presse écrite et audiovisuelle". Dans ce sillage, les enseignants du DLCA de Bouira réclament que "la gestion de toutes les institutions créées pour la promotion de la langue amazighe soit dirigée par des spécialistes du domaine amazigh et demandent leur dotation d'un budget autonome et conséquent". Pour Djaâfer Abdedou, membre fondateur du comité citoyen pour la généralisation et le caractère obligatoire de l'enseignement de tamazight, cette décision est une "victoire pour la cause amazighe dans toutes ses dimensions". Et d'ajouter : "En plus d'être une victoire, c'est un acquis non négligeable du combat des générations antérieures. Pour nous, c'est une décision à saluer et il faut s'en féliciter, tant sa symbolique est immense", a-t-il estimé. Enfin, Rachid Hamal, président de l'association socioculturelle Tagrawla d'Ath Laqser, indiquera que "Yennayer ainsi que tous les acquis arrachés par nos luttes incessantes, depuis plus d'un demi-siècle, ont été chèrement payés avec le sang de nos enfants". Ce militant de la cause amazighe tiendra également à rendre hommage à "tous les jeunes qui se sont mobilisés pour défendre notre amazighité qui est l'une des composantes fondamentales de l'identité du peuple algérien". Néanmoins, M. Hamal tient à souligner un point "très important" à ses yeux pour les combats à venir, à savoir "l'amendement de l'article 212 de la Constitution" dans lequel il souhaite voir figurer tamazight comme une des constantes nationales qu'aucune révision constitutionnelle ultérieure ne pourra remettre en cause. RAMDANE B.