Marie-Louise, comme voulaient la prénommer certains, se focalisait, tant à travers ses chants, sa poésie ou ses romans, sur sa propre vie, partagée entre l'eurythmie et le choix difficile à décider entre son authenticité qui la fagotait et le progressisme qui la séduisait. Décidément, il n'y a pas d'âge, ou de temps révolu, pour être un best-seller. Les œuvres de Taos Amrouche, dont la forme et la couleur ont dépassé l'endigué en termes de célébrité, vont témoigner aujourd'hui, à quelques semaines du 105e anniversaire de sa naissance et 42e de son décès, de son vécu au riche palmarès littéraire et poétique. Première romancière algérienne d'expression française, Marie-Louise, comme voulaient la prénommer certains, se focalisait, tant à travers ses chants, sa poésie ou ses romans, sur sa propre vie, partagée entre l'eurythmie et le choix difficile à décider entre son authenticité qui la fagotait et le progressisme qui la séduisait. De parents kabyles, originaires d'Ighil Ali, dans la wilaya de Béjaïa, elle est née le 4 mars 1913 à Tunis. Tout comme son frère, Jean-Mouhoub Amrouche, poète-écrivain, elle s'est conférée à la double culture berbéro-française tant elle s'est résolue à conjuguer le roman d'expression française à la chanson berbère. Belkacem Amrouche, son père, converti au catholicisme avait grandi dans le giron des Pères blancs qui l'avaient baptisé à l'âge de cinq ans. N'ayant pu accepter d'épouser la fille du village qu'on lui avait promis, il dut émigrer, en compagnie de Fadhma Nath Mansour Amrouche, celle qu'il avait choisie et qui n'est autre que la mère de Taos, en Tunisie où il dénicha un emploi au sein de l'entreprise des chemins de fer à Tunis. Sa mère, Fadhma Aït Mansour (1882-1967), auteure de Histoire de ma vie (autobiographie posthume, publiée en 1968), fut élevée dans l'une des premières écoles de filles en Algérie. Illustre interprète des chants classiques berbères hérités de sa mère, Taos Amrouche avait entrepris la collecte de ces chants dès 1936. Engagée avec un premier répertoire, elle marqua, en 1939, sa présence au Congrès de la musique marocaine à Fès où elle présentait pour la première fois au public quelques chants rituels berbères du Djurdjura. Repérée à cette occasion, elle obtint une bourse d'études pour la Casa Velázquez, à Madrid, où elle portait intérêt, deux ans durant, aux anciens chants espagnols qu'elle interprètera par la suite. C'est au cours de ce séjour en Espagne qu'elle rencontra le peintre André Bourdil, qui devient son mari. En 1945, le couple s'était résolu à s'installer définitivement à Paris. Spécialiste des chants berbères Là, Taos Amrouche fut vite reconnue comme la spécialiste des chants berbères. Elle enregistra alors plusieurs disques, notamment Chants berbères de Kabylie qui lui vaut le Grand Prix de l'Académie du disque en 1967. À partir de 1949, elle se consacra à la réalisation des émissions radiophoniques telles que "Chants sauvés de l'oubli", "Souvenons-nous du pays", ainsi que "L'étoile de chance". Au passage, autant souligner que Taos avait aussi investi ce domaine puisqu'elle avait mené une carrière de chroniqueuse à la radio, d'abord à Tunis, dès 1942, puis à Alger en 1944. Elle avait assuré à la Radiodiffusion française une chronique hebdomadaire en langue kabyle, consacrée au folklore oral et à la littérature nord-africaine. Amie d'André Gide et de Jean Giono, Taos Amrouche était douée d'une voix rarissime qui lui avait permis d'interpréter de très nombreux chants berbères, qu'elle tenait de sa mère, et se produisait dans de nombreuses scènes. En 1966, elle obtient le Disque d'or à l'issue du Festival des arts nègres de Dakar. Seule l'Algérie lui refuse les honneurs : elle n'est pas invitée au Festival culturel panafricain d'Alger en 1969. Elle s'y rend tout de même pour chanter devant les étudiants d'Alger. Taos Amrouche a œuvré pour la culture berbère : elle avait longuement participé à la fondation de l'Académie berbère à Paris en 1966. Taos Amrouche meurt à Saint-Michel-L'observatoire, près de Paris, où elle fut inhumée en avril 1976. Son dernier roman, Solitude ma mère, resté inédit jusqu'en 1995, est publié par Joëlle Losfeld, éditrice de la majeure partie de l'œuvre. Historique de la conservation Certains ensembles déjà constitués ont été annotés par Laurence Bourdil, fille de Taos Amrouche, apportant de précieuses indications sur la datation des documents et le contexte de leur production. Au demeurant, les manuscrits conservés concernent à la fois ses romans, les émissions radiophoniques qu'elle a animées à l'ORTF et des articles pour la presse. Plusieurs cahiers de notes manuscrites révèlent le travail de préparation pour ses romans ou ses émissions radiophoniques. Des enregistrements, bandes magnétiques ou disques vinyle 33 tours, permettent d'avoir accès à quelques émissions radiophoniques, à des entretiens, notamment avec sa mère Fadhma Aït Mansour, mais aussi à ses chants ou à des conférences. Une correspondance abondante vient enrichir ce fonds (nombreuses lettres à sa famille, à son mari André Bourdil, à son frère Jean Amrouche, mais surtout à sa mère Fadhma Aït Mansour). À noter d'autres échanges épistolaires remarquables avec Jacqueline Arnaud, Jean Giono, ou encore avec Mohammed Dib, René Etiemble, Gabriel Audisio, Léopold Sédar Senghor et Kateb Yacine. Des travaux importants concernant l'œuvre de Taos Amrouche, notamment ceux de Jacqueline Arnaud et de Denise Brahimi, un dossier de presse très fourni sur la réception de son œuvre ainsi que des photographies viennent se joindre à cet ensemble. Plusieurs dossiers d'hommages posthumes, dont ceux concernant les deux hommages rendus en 1994 et 1995 à Taos Amrouche par l'Institut du monde arabe, ont été déposés avec le fonds. R. SALEM