Suite à la répression par la police d'une marche mercredi après-midi, au cours de laquelle plus deux cents blessés ont été enregistrés, la situation s'est dégradée dans la ville minière marocaine de Jerada, paralysée jeudi par une grève générale. À l'appel lancé mercredi par des militants du Hirak de Jerada, nom donné localement à ce mouvement de contestation, comme dans le Rif, une grève générale a été observée jeudi dans cette ancienne ville minière en réponse à la répression utilisée mercredi par les forces de police marocaines pour disperser un sit-in tenu par des manifestants. Selon les médias marocains, la situation a dégénéré en de violents affrontements entre manifestants et la police, au point où le nombre de blessés a atteint les deux cents, avec l'arrestation de neuf à douze personnes. D'autres sources locales, citées par le site Maroc Leaks, évoquent la mort de deux manifestants, mais sans confirmation officielle. Des blessés ne sont pas allés à l'hôpital de peur de se faire arrêter. Sur des vidéos postées sur les réseaux sociaux, on voyait une personne écrasée par un des deux véhicules de police qui fonçaient sur la foule. La victime, dont le sort reste inconnu, se trouve actuellement dans un hôpital à Oujda, affirment des militants des droits de l'homme, cités par le site Anwalpress. Rappelons que plusieurs dizaines de personnes ont bravé l'interdiction de toute manifestation non autorisée au préalable pour observer un sit-in dans les puits de charbon. En effet, un communiqué du ministère de l'Intérieur marocain, rendu public mardi avait prévenu qu'il est "habilité à interdire des manifestations illégales à Jerada". Malgré cela, des dizaines de mineurs ont entamé, à partir de 7 heures du matin, un sit-in ouvert dans les puits de charbon, situés non loin du quartier Village Youssef dans la périphérie de Jerada. Outre la symbolique du lieu pour l'ensemble des habitants de la ville, s'y diriger permet également de contourner la forte présence policière au centre-ville devant le siège du gouvernorat. La réponse du gouvernement marocain a été l'envoi sur place de renforts de policiers et de supplétifs pour réprimer la manifestation. Des hélicoptères sillonnaient les lieux des affrontements. Des médias marocains ont évoqué des rumeurs faisaient état de la chute de 4 personnes jetées dans des puits. S'exprimant lors de la réunion hebdomadaire du gouvernement jeudi, le Premier ministre marocain Saad Eddine El Othmani a confirmé que les affrontements ont provoqué de nombreuses blessures, dont 10 graves, 8 faisant partie des forces de sécurité. Pour rappel, la ville de Jerada vit au rythme des manifestations depuis plus de trois mois. Elles ont été déclenchées par la mort de deux mineurs dans une descenderie clandestine le 22 décembre 2017, et se sont accentuées après le décès d'un troisième mineur le 1er février 2018. Depuis 1998, pas moins de 44 personnes sont décédées. Suite à ces pertes humaines, des manifestations pacifiques ont demandé des alternatives économiques à l'extraction de charbon, seule activité locale. Un plan d'action économique proposé par le gouvernement avait permis une accalmie mais des manifestants sont redescendus dans la rue fin février pour demander des réponses concrètes. Merzak Tigrine