Un échange de courriers, à la limite de la rupture, a eu lieu ces derniers jours par administrations interposées entre le wali de Boumerdès et le wali d'Alger. Le différend concerne la révision à la hausse des prestations du traitement de la tonne de déchets par les responsables du Centre d'enfouissement technique (CET) d'Aoudia à Corso. Mais au-delà de l'aspect purement commercial que les uns et les autres défendent, le choix de l'emplacement du site fait l'objet de controverse. Est-ce le bon choix ? Aujourd'hui des voix s'élèvent pour critiquer le choix du site. "Le choix d'un site devant accueillir pareille structure est primordial, car beaucoup de paramètres doivent être pris en considération, comme l'étude du sol, les passages des vents ou encore l'accessibilité aux lieux", relève un environnementaliste de l'université de Boumerdès (UMBB). Enfonçant davantage le clou il dira que "c'est l'option du centre d'enfouissement qui pose problème". "L'Algérie aurait pu opter pour la solution de l'incinérateur, facilement gérable et offrant la possibilité d'une énergie renouvelable", ajoute-t-il. Au lendemain de sa mise en service et devant les désagréments causés à la population, des contestataires sont montés au créneau pour dénoncer "les travaux qui n'ont pas été menés dans les normes" et demander qu'"une enquête soit ouverte afin de faire la lumière sur le choix de la localité et sa gestion". Son implantation en milieu urbain, le village d'Aoudia, limitrophe de la RN5, a, d'emblée, apporté son lot "d'ennemis". Que cherchaient les décideurs de l'époque en optant pour un CET, pour cet emplacement afin d'en finir avec la centaine de décharges sauvages ou carrément investir dans la récupération des déchets ? s'interrogeait un ingénieur de l'UMBB, et président d'association. Le CET fait plus office de grande décharge autorisée et surveillée que d'un centre de traitement et de tri, relève notre interlocuteur. Pour rappel, le CET a été réalisé par une entreprise portugaise après l'annonce des pouvoirs publics de fermer la plus grande décharge à ciel ouvert, d'Oued Smar (Alger). Quatre ans après sa mise en service, le premier casier arrive à saturation et serait, selon des techniciens du site, une des sources de l'émanation d'odeurs qui incommodent les riverains. Le CET de Corso traitait, avant "le différend" avec Alger, 1 500 tonnes/jour de déchets, dont 80% provenaient d'Alger, et ce, à raison de 800 DA la tonne, avant le lancement d'une nouvelle étude qui a fixé le prix de la tonne à 1 400 DA, limitant ainsi le traitement à 600 tonnes/jour du fait du retrait de deux entreprises algéroises, Extranet et Netcom, rappelle M. Ammiali, le directeur du centre. Tout en gardant les autres entités économiques des secteurs publics et privés, le site s'attelle, depuis quelques jours, à l'ouverture d'un second casier. Les riverains s'insurgent contre la centaine de camions remplis d'ordures convergeant 24H/24 vers le site, laissant une traînée liquide visible sur la chaussée. "On nous a promis que cette structure ne dégagerait pas d'odeurs et qu'elle n'aurait pas d'impact sur la santé de la population et sur l'environnement, il n'en est rien", avoue un ex-élu de l'Assemblée sortante. "Ce n'est ni plus ni moins qu'une décharge géante", précise un citoyen. Pour rappel, le CET de Corso, qui s'étend sur plus de 60 hectares, est destiné à recevoir les déchets ménagers de quelques communes locales en plus de ceux de l'est de la capitale. Il est doté d'une capacité de traitement de 6 millions de m3 de déchets, équivalant aux rejets d'une population globale de 200 000 habitants. Autre centre ignoré de tous, le Centre des déchets inertes (CDI) de Thénia/Seghirate qui ne reçoit pratiquement que 15% des déchets des chantiers de la wilaya, le reste est déversé sur les bords des routes secondaires et dans les lits des oueds, regrette la directrice des travaux publics. Rappelant que le projet du CET similaire qui devait être construit à Reghaïa (Alger) est à l'arrêt ou abandonné suite aux nombreuses manifestations organisées contre le projet par la population, au moment où le CET de Zaâtra/Zemmouri qui a vu, lui aussi, une levée de boucliers des riverains, sera opérationnel au plus tard au premier trimestre 2019 selon un exposé présenté au wali il y a une année. Une étude de l'UMBB avance que plus de six millions de tonnes de produits peuvent être recyclables, sur quatorze millions de tonnes de déchets ménagers collectés annuellement, dont deux millions de tonnes de papier et 300 000 tonnes de métaux. Soit un gain à récupérer avoisinant les 350 millions de dollars. Etant une véritable industrie, le recyclage des déchets constitue aujourd'hui, un véritable gisement. Hélas, ce gisement n'attire pas beaucoup d'investisseurs. Localement, seules huit entreprises ont été créées dans ce domaine dans le cadre des dispositifs du microcrédit, spécialisées dans la collecte des déchets et la récupération des matières métalliques et non métalliques recyclables. Pourtant, 20% des déchets générés à travers la wilaya sont constitués de matières recyclables, c'est-à-dire papier, carton et plastique, selon M. Farci, directeur de l'environnement, soit 457 MDA/an de gain susceptible d'être généré par la valorisation des déchets recyclables, soit 45% du budget de la wilaya. W. M.